DANS LE diabète de type 1, le concept classique de transmission des données à partir des lecteurs de glycémie vers le soignant, suivie d’une aide au choix de la bonne dose en différé n’a pas d’intérêt. « Le patient veut en effet une réponse immédiate, et les 15 essais réalisés dans ce sens ont tous donné un résultat nul », a rappelé le Dr Guillaume Charpentier, avant de préciser qu’une analyse automatique avec retour en temps réel est impérative. Les systèmes intégrés sont actuellement au nombre de deux. Le Diabetes interactive diary est centré sur l’aide au repérage des apports caloriques et glucidiques. Mais le retour d’information se fait par SMS et ce système ne semble pas améliorer l’HbA1c. Le système Diabéo, qui propose un logiciel sur le Web et sur le smartphone, apparaît aujourd’hui comme le plus pertinent car il associe aide au choix de la dose et suivi à distance. En pratique, le médecin fait la prescription sur internet, en précisant les objectifs et les paramètres d’auto-adaptation. Le patient télécharge ensuite le logiciel paramétré pour obtenir des propositions de dose d’insuline en fonction de la glycémie, des aliments et de l’activité physique. Une étude randomisée a confirmé l’efficacité d’une approche Diabéo avec consultations téléphoniques courtes, qui permet, après six mois, un gain de 0,9 % de l’HbA1c par rapport à une prise en charge standard, et ce sans augmentation du nombre d’hypoglycémies ni du temps de consultation médicale. « Donc ce système marche et des alertes permettent de repérer la baisse de compliance du patient et de mettre en place une consultation téléphonique au bon moment », a rapporté le Dr Charpentier. Il s’agit là d’une première étape, et l’évolution se fera vers un système intégré pilotant l’insulinothérapie. C’est le projet Diabeloop : les glycémies mesurées à intervalles très rapprochées grâce à un capteur posé sur la peau sont transmises à un boîtier. Ce dernier, en analysant les données antérieures, anticipe la dose d’insuline nécessaire et transmet l’ordre à une pompe.
Un outil de coaching.
Dans le diabète de type 2, un système, Welldoc, a été autorisé par la FDA. Il s’agit d’un outil de coaching, qui délivre des messages automatiques d’ordre éducatif, par le biais d’un logiciel hébergé sur le smartphone et un portail internet. Une étude pilote a mis en évidence une baisse de l’HbA1c de 0,9 % après un an d’utilisation. En France, c’est une adaptation du système Diabéo qui a été développée. Diabéo 2 permet de répondre à trois situations : recours à une insuline lente, réduction de la prise de calories et glucides pendant les repas en cas d’hyperglycémie postprandiale et pratique d’une activité physique. Chez des patients en phase de titration de l’insulinothérapie, une réduction de l’HbA1c de 0,5 % a été observée après 4 mois d’utilisation. « La télémédecine en diabétologie ne se limite pas au contrôle de la glycémie, et des expériences intéressantes sont rapportées pour le dépistage de la rétinopathie ou du pied diabétique. Il faut aujourd’hui financer les consultations de télémédecine et dégager du temps paramédical spécialisé », a conclu le Dr Charpentier.
Dépister les décompensations cardiaques.
L’insuffisance cardiaque chronique, fréquente chez les patients diabétiques, est une affection qui pourrait également bénéficier de la télémédecine, notamment grâce à une détection précoce des décompensations en se basant sur des paramètres fonctionnels ou physiologiques et en organisant une réaction rapide et adaptée.
Mais les données sur le télémonitoring, relativement nombreuses, sont décevantes. L’étude Télé-HF avait inclus 1 600 patients en classe 2 ou 3 de la NYHA et ayant été hospitalisés dans les 30 jours précédents l’inclusion pour un suivi avec un smartphone et des questions quotidiennes. Le critère principal d’évaluation, le nombre de décès ou de réhospitalisation, a été négatif. L’adhésion au programme a été médiocre : de 90 % la première semaine elle n’était plus que de 55 % à 26 semaines, et 14 % des patients ne se sont même jamais connectés. Les résultats de l’étude allemande TIM-HF, qui avait inclus 710 patients suivis 26 mois ont été tout aussi décevants, tout comme ceux d’essais basés sur la surveillance de l’impédance thoracique, chez des patients appareillés. Les études avec d’autres capteurs hémodynamiques implantables (pressions pulmonaires ou pression dans l’oreillette gauche) ont également été négatives. Seule l’étude Champion a souligné l’intérêt d’une transmission vers un moniteur dans la chambre du patient des pressions mesurées par un dispositif autonome largué dans la circulation pulmonaire. « De nombreuses questions demeurent, qui portent sur la pertinence des paramètres mesurés, l’organisation, la vitesse de réactivité, les implications médico-légales et éthiques ou encore sur le financement » a insisté le Pr Richard Isnard.
Session « Perspectives : la télémédecine aujourd’hui et demain » avec les communications du Dr Guillaume Charpentier (Corbeil- Essonnes) et du Pr Richard Isnard (Paris).
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