Même s'ils ne descendent pas forcément dans la rue demain, les quelque 3 146 psychiatres libéraux (et 1 430 à exercice mixte) partagent le désarroi de leurs confrères hospitaliers.
« La psychiatrie est une discipline exigeante et les moyens financiers ne sont pas en phase avec cette difficulté », reconnaît le Dr Maurice Bensoussan, président du Syndicat des psychiatres français (SPF) et de l'URPS Occitanie. Cette crise de la psychiatrie hospitalière a des conséquences directes sur l'exercice en ville. « Les délais d'attente étant énormes, il y a de plus en plus de patients suivis à l'origine à l'hôpital voire en centres médico-psychologiques que l'on récupère », indique le Dr Claude Gernez, président du Syndicat national des psychiatres privés (SNPP).
D'autant que la démographie des psychiatres de ville commence à fléchir. D'après les chiffres de l'Ordre des médecins (CNOM), il y a en moyenne 4,6 psychiatres libéraux pour 100 000 habitants. Certains départements n'en ont plus aucun (Mayotte, la Lozère, le Cantal). Une quarantaine de départements n'ont tout simplement aucun pédopsychiatre libéral.
Ces difficultés sont aussi partagées par les 172 cliniques psychiatriques privées, qui déplorent un manque de médecins et une baisse des tarifs en psychiatrie de 9 % depuis 2013. « Une dizaine de cliniques psychiatriques ont fait une demande d’aide exceptionnelle à leurs ARS en 2018 pour difficultés financières. On arrive au bout des gains de productivité et de la résilience des équipes », juge Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'hospitalisation privée.
Les jeunes boudent
À cela s'ajoutent des revenus (bénéfices non commerciaux) en baisse. Avec 65 450 euros en 2016 – secteur I et II confondus – les psychiatres libéraux se situent juste en dessous des pédiatres et bien loin derrière les médecins généralistes (75 550 euros).
Les jeunes boudent la discipline : lors de la dernière procédure de choix de postes à l'internat, 18 postes n'ont pas été pourvus. La dernière place est partie à la 8685e place (sur 8 706 étudiants). « Nous sommes oubliés ! déplore le Dr Gernez. La possibilité de faire un stage de six mois en ville pour les internes commence à se mettre en place tout doucement. Cela devrait améliorer les choses », espère le psychiatre d'Enghien-les-Bains (Val d'Oise).
Pour redonner du peps à la psychiatrie, la coopération avec l'hôpital public est la clé, juge le Dr Bensoussan. « La discipline est plurielle, il faut mettre en place une approche plus complémentaire, fondée sur la fluidité du parcours de soins entre la ville et l'hôpital », estime-t-il. Encore faudrait-il trouver une sortie de crise pour ce dernier.
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