LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Une grève très dure vient de se terminer à l'hôpital Pinel. Quel est votre sentiment ?
Dr VALÉRIE YON : J'exerce depuis 20 ans à Pinel, c'est la première fois que je vois un tel mouvement ! La grève a permis des avancées. Deux jeunes praticiens hospitaliers nous ont rejoints en novembre et un troisième médecin devrait arriver en mai. Trois praticiens attachés contractuels ont été recrutés. C'est bien, même s'il reste entre 25 et 30 % de postes vacants en psychiatrie adulte. Nous avons obtenu 20 places supplémentaires dans la maison d’accueil spécialisée existante. Nous menons également une réflexion constructive avec le conseil départemental sur la création de structures d'aval médicosociales à visée psychiatrique, sur le modèle des foyers d'accueil médicalisés, qui pourraient compenser la fermeture de lits à l'hôpital. Je rappelle que nous avons perdu quatre services en quatre ans ! La psychiatrie doit se penser au niveau du territoire et non de l'hôpital.
Enfin, nous avons obtenu 20 postes paramédicaux supplémentaires – en plus des dix proposés en août 2018 – et la titularisation de postes contractuels.
L'hôpital Pinel est-il le symbole de la crise que traverse la psychiatrie ?
Partout, des voix s'élèvent pour réclamer des moyens pour la psychiatrie de demain, et pas d'après-demain ! Je ne crois pas à la solution miracle unique car les crispations sont différentes d'un territoire à un autre. La prise en charge d'un patient est hétérogène entre un centre hospitalier spécialisé comme Pinel et le service psychiatrique d'un hôpital ou d'un CHU. En ruralité et en ville, l'accès aux soins n'est pas le même. Une chose est sûre : la pénurie médicale et le manque de moyens sont les deux points communs de la crise de la psychiatrie.
Existe-t-il une solution pour éradiquer la pénurie médicale ?
À Pinel, nous avons opté pour une réorganisation interne. Nous avons développé des équipes mobiles spécialisées tournées vers les foyers de vie, les EHPAD, qui contribuent à la « bascule » ambulatoire. On ne pouvait que se réorganiser en ce sens après la fermeture de nos services et de nos lits. C'est une solution pour améliorer l'accès aux soins, pour créer de l'alternance à l'hospitalisation complète et pour que le retour à domicile du patient soit facilité mais ça ne résout pas la pénurie médicale. Notre situation reste fragile. Et c'est une charge de travail supplémentaire pour nous.
Agnès Buzyn a débloqué, fin 2018, 50 millions d'euros pour la psychiatrie. Suffisant ?
Il faudrait connaître le fléchage de cette enveloppe. C'est d'ailleurs l'un des enjeux du secteur. Il n'est pas toujours facile d'avoir une vision transparente sur les financements alloués à la psychiatrie – en dehors des établissements spécialisés. C'est pourquoi nombre de confrères réclament une sanctuarisation budgétaire.
Par ailleurs, l'argent ne résout pas la pénurie médicale. Les postes existent, nous manquons surtout d'humains. C'est pourquoi il faut parler des initiatives locales, remonter aux oreilles des jeunes médecins l'intérêt à travailler en psychiatrie, ouvrir des espaces pour leurs idées innovantes. C'est ainsi que nous serons attractifs.
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