Une démarche étiologique dans le syndrome de Raynaud

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Publié le 22/01/2021
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Motif très fréquent de consultation, le diagnostic de syndrome de Raynaud doit amener à un bilan minimal comprenant capillaroscopie et recherche des anticorps spécifiques, pour éliminer une maladie secondaire à une artériopathie ou une connectivite.
Une apparition jusqu’à cinq ans avant d’autres signes systémiques

Une apparition jusqu’à cinq ans avant d’autres signes systémiques
Crédit photo : phanie

Le syndrome de Raynaud (SR) se définit par deux éléments essentiels : sa survenue paroxystique (durée de 10 à 30 minutes) et son déclenchement par le froid, avec typiquement une phase syncopale blanche asphyxique, une phase cyanique de désaturation et une phase rouge hyperhémique. Pour affirmer le diagnostic, il faut au moins la phase syncopale mais certains auteurs réclament deux phases. Cela permet de distinguer le SR des acroparesthésies (acrosyndrome neurologique, comme le syndrome du canal carpien, sans modification de couleur de la peau), ou des autres acrosyndromes vasculaires.

Des formes secondaires dominées par la sclérodermie

Les SR primitifs représentent de 60 à 90 % des cas, les secondaires de 10 à 30 % ; dans 0 à 10 % des cas, il persiste un doute et il faudra revoir le patient. Le SR primaire touche plus souvent les femmes, débute précocement, à l’adolescence ; il est bilatéral, sans trouble trophique et la manœuvre de Allen* est normale. Il peut s’accompagner d’engelure ou d’acrocyanose dont le terrain − femme jeune mince − est identique.

Le SR secondaire à une connectivite concerne aussi plutôt les femmes, généralement après 50 ans. Bilatéraux, ils peuvent s’associer à des troubles trophiques et des signes systémiques, comme un syndrome sec ou des arthralgies. La sclérodermie retrouve aussi dans 85 % des connectivites mixtes, 10 à 45 % des lupus systémiques, 30 % des Gougerot Sjögren, 20 % des dermatomyosites et 20 % des polyarthrites rhumatoïdes.

Dans les SR secondaires aux artériopathies, le terrain est bien différent : début tardif, unilatéral, manœuvre de Allen pathologique, plutôt un homme avec soit des facteurs de risque cardiovasculaires soit la notion de traumatismes manuels répétés, professionnels ou sportifs.

« Devant tout SR, on demande systématiquement des anticorps antinucléaires (AAN) et des anticorps plus spécifiques des connectivites, ainsi qu’une capillaroscopie », insiste la Dr Patricia Senet (hôpital Tenon). On sait que lorsque les AAN sont absents et la capillaroscopie normale, le risque d’évolution vers une sclérodermie (SD) est de 0 à 5 % à cinq ans. Il est en revanche de 45 % environ en cas d’anomalie de l’un ou de l’autre, et de 79 à 94 % s’il existe aussi des anticorps spécifiques ou des doigts boudinés.

Lorsque le SR est unilatéral, on ajoutera un doppler artériel des artères du poignet, des arcades palmaires et des artères digitales, à la recherche d’une obstruction vasculaire voire d’un anévrysme de l’artère cubitale susceptible de se thromboser et d’envoyer des emboles distaux.

Session FL01 5 « Comment prendre en charge un phénomène de Raynaud ? »

* Après avoir comprimé les artères radiale et cubitale en demandant au patient de fermer plusieurs fois la main, la levée de la compression doit entraîner une recoloration rapide et homogène de la main.

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin