DANS LE DIABETE de type 1, l’étude DCCT a mis en évidence la relation existant entre le taux d’HbA1c et le risque de complications vasculaires ainsi que la relation inverse entre ce même paramètre et la survenue d’hypoglycémies. « Ainsi, chez les diabétiques de type 1, en pratique nous sommes limités dans notre objectif par les hypoglycémies, a rappelé le Dr Guillaume Charpentier (Corbeil-Essonnes). Dans le diabète de type 2, l’étude fondatrice UKPDS a montré la relation, sans effet de seuil, entre l’HbA1c et les complications micro- et macrovasculaires et il apparaît légitime de viser la normalisation du profil glucidique ».
La baisse de l’hémoglobine glyquée en dessous de ce taux procure un gain substantiel pour la rétine et le rein. Dans l’étude ACCORD, le risque de complications rétiniennes est réduit d’un tiers chez les patients ayant une HbA1c à 6,4 %, comparativement à ceux ayant une HbA1c à 7,5 %. Et dans l’étude ADVANCE, un bénéfice comparable est observé au niveau rénal (macroalbuminurie) lorsque l’HbA1c est abaissée à 6,5 %, versus 7,3 %.
Ce réel intérêt clinique en termes de complications microvasculaires a été plus débattu pour les complications macrovasculaires. L’étude UKPDS n’avait montré, dans sa première phase de suivi, qu’une réduction de 16 % du risque d’infarctus du myocarde, non significative, avec un p = 0,052. Le suivi à plus long terme a permis de confirmer la réduction significative du risque d’infarctus chez les sujets dont l’HbA1c a pu être abaissée en dessous de 7 %.
Une réponse en demi-teinte avec ACCORD.
« L’étude ACCORD a, quant à elle, cherché à démontrer si l’on peut mieux faire encore », a poursuivi le Dr Charpentier. Cette étude a évalué l’impact d’une intensification thérapeutique visant à réduire l’HbA1c (6,4 % dès la première année) chez des patients dont le diabète de type 2 évoluait depuis 12 ans en moyenne, et dont un tiers avaient déjà des complications cardio-vasculaires. « La réponse est en demi-teinte », puisque dans le groupe traitement intensif les auteurs ont rapporté une réduction non significative de 10 % du critère principal composite associant infarctus du myocarde non fatal, accident vasculaire cérébral non fatal et décès d’origine cardio-vasculaire), tandis qu’une diminution significative de 24 % des infarctus du myocarde non fatals seuls est observée.
Tout le problème des grandes études est qu’elles se fondent sur la notion de moyenne. En d’autres termes, ce qui est vrai « en moyenne » ne l’est pas forcément pour tout le monde. Des enseignements intéressants sont apportés par les études VADT et RACE, avec l’indice de calcification coronaire : le bénéfice du traitement intensif s’observe surtout chez les patients ayant peu de calcifications, et donc une maladie coronaire peu évoluée, alors qu’il est quasi nul chez les patients ayant une atteinte sévère.
En outre, le traitement intensif s’est accompagné d’un risque accru de décès, dont le taux a été toutefois globalement faible dans cette étude, ce qui a d’ailleurs entraîné son arrêt après 3,5 ans. « Les raisons de cette surmortalité restent mal expliquées ; le débat a fait rage et l’une des hypothèses est la survenue d’hypoglycémies occultes », a précisé le Dr Charpentier.
Quand le traitement intensif est inefficace.
Une analyse très détaillée montre que la surmortalité concerne surtout les patients restant chroniquement déséquilibrés malgré un traitement de plus en plus intensifié. Ainsi, le traitement intensif est potentiellement dangereux lorsqu’il est inefficace. « La surmortalité est sans doute liée au protocole même de l’étude ACCORD, qui faisait appel à un empilement des traitements et une intensification des doses sans retour en arrière possible, avec les conséquences, elles-mêmes délétères, de l’escalade thérapeutique que sont la prise de poids et la survenue d’hypoglycémies sévères ». Selon les auteurs de l’étude, les patients n’atteignant pas les objectifs malgré une escalade thérapeutique sont probablement moins observants, plus souvent dépressifs...
Pour le Dr Charpentier, selon l’étude BHAT, il est parfois préférable de bien suivre un mauvais traitement que mal un bon traitement. Une donnée qui souligne l’importance de la prise en compte du profil de chaque patient et doit inciter à ne pas prendre de risque inutile, en particulier d’hypoglycémies avec les schémas basal-bolus pouvant être difficiles à gérer chez les patients les plus fragiles.
Comme l’a de son côté rappelé le Pr Xavier Girerd (Paris), l’HbA1c est un marqueur de risque cardio-vasculaire indiscutable. Et, en se référant à l’étude UKPDS, la baisse d’un point de ce paramètre s’accompagne d’une réduction de 14 % des cardiopathies ischémiques et de 37 % des complications microvasculaires. Mais les arguments pour « ne pas aller trop loin » ne manquent pas, au premier rang desquels « le surplace » des études d’intervention telles qu’ADVANCE, ACCORD ou VADT qui peinent à démontrer formellement le bénéfice cardio-vasculaire d’une baisse marquée de l’HbA1c. Certes une méta-analyse publiée en 2009 a mis en évidence une diminution de 15 % des complications coronariennes pour une baisse de 0,9 % de l’HbA1c. Mais une analyse de cohorte publiée l’an dernier indique qu’une HbA1c à 7,5 % est associée à l’incidence la plus faible d’événements cardio-vasculaires et qu’il il y a clairement une courbe en U, donc un seuil comme dans l’étude ACCORD.
Par ailleurs, la prise en charge multifactorielle apporte une prévention cardio-vasculaire optimale et, cela a bien été démontré par l’étude STENO-2, il est plus facile de contrôler le cholestérol et la pression artérielle systolique que l’HbA1c. Pour mémoire, dans cette étude, moins de 20 % des patients étaient en dessous de 6,5 %.« Au total, chez le diabétique de type 2, faire baisser la pression artérielle systolique en dessous de 140 mmHg et prescrire une statine est sans doute plus efficace que réduire l’HbA1c en dessous de 6,5 % », a estimé le Pr Girerd.
D’après le débat « Faut-il diminuer l’HbA1c ≤ 6,5 % ? », modéré par le Pr Bruno Vergès (Dijon).
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