LA TRIADE LIPIDIQUE athérogène classique du diabète de type 2 se caractérise par une élévation des trigycérides, un HDL-cholestérol bas et un taux élevé de particules LDL petites et denses. « Toutefois, en pratique, ces paramètres sont modérément modifiés », a rappelé le Dr Michel Farnier (Dijon), en faisant référence aux données colligées dans les études CARDS, HPS ou FIELD. Et, à côté des triglycérides élevés et du HDL bas, ce sont les anomalies qualitatives des LDL – plus que leur concentration plasmatique – qui sont particulièrement délétères.
Même si les taux de ces différents paramètres ne sont que peu modifiés, les arguments pour traiter la dyslipidémie du diabétique ne manquent pas. Dans l’étude STENO 2 par exemple, menée sur 160 patients diabétiques de type 2 ayant un syndrome métabolique et une microalbuminurie, le traitement hypolipémiant est le plus contributeur à la réduction des événements cardio-vasculaires. Par ailleurs, la plus vaste métaanalyse ayant spécifiquement analysé l’impact des statines chez le diabétique de type 2 (1) a montré qu’une baisse de 0,4 g/l du LDL cholestérol s’accompagne d’une réduction de 9 % de la mortalité totale, de 22 % des décès d’origine cardio-vasculaire et de 21 % des événements cardio-vasculaires majeurs. Ces bénéfices ont été observés quels que soient les paramètre lipidiques initiaux (le LDL cholestérol était en moyenne de 1,3 g/l à l’inclusion).
Dans une autre métaanalyse publiée fin 2010 et ayant porté sur 170 000 patients, la baisse du taux de LDL cholestérol, même en dessous de 0,8 g/l s’accompagne d’une réduction comparable du risque relatif.
Une statine en première intention.
Dès lors quelle stratégie thérapeutique proposer ? Le traitement de première intention se fonde sur l’administration d’une statine, dont les indications et les objectifs lipidiques varient selon les pays. En Europe, en prévention secondaire, le traitement est initié quel que soit le taux initial de LDL avec un objectif de 0,7-0,8 g/l. En prévention primaire, le traitement par statine est instauré lorsque le cholestérol total est› 1,35 g/l, en visant une baisse de 30 à 40 % du LDL cholestérol.
L’American Diabetes Association (ADA), en 2011, préconise un traitement par statine quel que soit le taux de LDL cholestérol en prévention secondaire et en prévention primaire chez le diabétique de type 2 de plus de 40 ans et ayant au moins un autre facteur de risque associé, avec un objectif de LDL ‹ 1 g/l en prévention primaire et< 0,7 g/l en prévention secondaire.
« Ainsi, les objectifs français sont un peu en retrait par rapport aux recommandations internationales, puisqu’elles visent un LDL ‹ 1 g/l chez le diabétique à haut risque », précise le Dr Farnier.
Un risque résiduel.
Le traitement par statines a également ses limites, notamment l’existence d’un risque résiduel. La persistance d’anomalies du profil lipidique explique en partie ce risque résiduel, comme l’a souligné récemment une analyse complémentaire de l’étude TNT (2). Ce travail montre qu’après un an de traitement, les taux de LDL, de HDL et de triglycérides sont très prédictifs de la récurrence d’événements cardio-vasculaires, alors que les paramètres non lipidiques tels que la CRP (protéine C réactive) ne le sont pas.
« Ce risque résiduel n’est pas le même pour tous les diabétiques et concerne surtout les patients en prévention secondaire, a précisé le Dr Farnier. Cela a bien été mis en évidence dans l’étude ACCORD, avec une modulation du surrisque par les taux de triglycérides et de HDL ».
Une autre question est celle du risque potentiel de diabète sous statines, thématique qui fait débat depuis quelques temps. Dans une sous-analyse de l’étude PROVE-IT, les patients traités par atorvastatine avaient un plus haut risque d’avoir une HbA1c › 6 %. Un constat similaire a été fait dans l’étude JUPITER et surtout dans la métaanalyse de Sattar (3), qui met en évidence une augmentation significative de 9 % du risque de développer
un diabète chez les patients traités par statine. Plus concrètement, il faut traiter 255 patients pendant 4 ans pour voir apparaître un cas de diabète.
Si ce risque est donc très faible et le rapport bénéfice/risque largement en faveur du traitement, la mise au jour de ses mécanismes physiopathologiques représente un vaste sujet de recherche.
Se pose également la question des associations d’hypolipémiants, notamment celle d’une statine et d’un fibrate. Les résultats de l’étude ACCORD suscitent de nombreuses discussions. Il semblerait, à la lumière des données les plus récentes qu’une telle association puisse être bénéfique dans le sous-groupe de patients ayant des triglycérides élevés et un HDL bas.
D’autres associations sont possibles, avec l’ézétimibe, la niacine ou les oméga 3, et différents travaux en cours. Dans le futur, les recherches se focaliseront probablement sur les diabétiques à haut risque, avec plusieurs schémas – statine à dose maximale, association d’hypolipémiants, voire trithérapie – et le développement de nouvelles molécules, inhibant le PCSK9 ou la CETP.
« Ce qui ne doit pas faire oublier les mesures hygiéno-diététiques », a conclut le Dr Michel Farnier
Conférence d’ouverture « Quelle stratégie de traitement de la dyslipidémie chez le diabétique », modérée par le Pr Michel Komajda.
(1) Cholesterol Treatment Trialists’ (CTT) Collaborators. Efficacy of cholesterol-lowering therapy in 18 686 people with diabetes in 14 randomised trials of statins: a meta-analysis. Lancet 2008;371:117-25.
(2) Arsenault J et al. Prediction of cardiovascular events in statin-treated stable coronary patients by lipid and non lipid biomarkers. J Am Coll Cardiol, 2011; 57:63-69, doi:10.1016/j.jacc.2010.06.052
(3) Sattar N et al. Statins and risk of incident diabetes: a collaborative meta-analysis of randomised statins trials. Lancet 2010;375:735-42.
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