Rein diabétique

Une relation linéaire entre albuminurie et risque cardio-vasculaire

Publié le 18/03/2011
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Crédit photo : S. toubon/« le quotidien »

LA NÉPHROPATHIE diabétique (ND) est la première cause d’insuffisance rénale terminale en France comme dans la plupart des pays occidentaux. Son histoire naturelle est bien connue, la ND devenant clinique en moyenne après une quinzaine d’années d’évolution du diabète de type 2. Dès la période initiale du trouble métabolique, bien avant la survenue d’une microalbuminurie, les diabétiques de type 2 auraient une élévation du débit de filtration glomérulaire. Au cours de cette phase précoce, dont le primum movens est l’hyperglycémie, il se produit une augmentation de la taille des glomérules, avec des anomalies visualisables en microscopie électronique.

« Parmi les marqueurs les pus prédictifs d’évolution vers une ND, on retrouve une expansion mésangiale, un épaississement de la membrane basale glomérulaire, une fibrose ou une perte podocytaire », a précisé le Dr Ronan Roussel (Paris). À côté des facteurs métaboliques, les facteurs mécaniques rentrent également en jeu, en particulier la pression artérielle.

Des facteurs génétiques.

Normalement, la variabilité de la pression artérielle ne se répercute pas au-delà des artérioles, grâce à un système d’autorégulation au niveau des capillaires, dépendant de différents facteurs hormonaux et mécaniques. Dans les situations d’hyperglycémie, le flux entrant dans les cellules endothéliales non insulinosensibles augmente, ce qui aboutit in fine à un afflux de substrats dans les mitochondries et à la génération d’espèces oxygénées réactives, source d’agression cellulaire. Les à-coups tensionnels sont alors transmis dans le glomérule. Les travaux récents ont mis en évidence l’impact, à ce stade, de facteurs génétiques. En effet, contrairement à la rétinopathie, la néphropathie diabétique ne concerne pas tous les patients. Notamment, un variant protecteur a pu être mis en évidence sur le gène de l’enzyme de conversion.

Ce premier stade d’hyperfiltration glomérulaire et d’hypertrophie rénale est suivi d’une phase silencieuse au cours de laquelle albuminurie et pression artérielle (PA) sont normales. Vient ensuite la phase de néphropathie incipiens, avec une albuminurie comprise entre 20 et 200 mg/l, au cours de laquelle la PA peut être discrètement augmentée tandis que la filtration glomérulaire est normale ou légèrement réduite. Enfin, le stade 4 de néphropathie avec protéinurie (albuminurie› 200 mg/l) précède celui, ultime, d’insuffisance rénale.

« Cette histoire naturelle "classique" ne concerne toutefois que 85 à 90 % des diabétiques », a rappelé le Dr Jean-Michel Halimi (Tours), avant de souligner qu’après 20 à 25 ans d’évolution du diabète, un patient sur deux a une protéinurie et donc un risque d’évolution vers une insuffisance rénale de 50 % à 5 ans.

Les données d’ENTRED.

En France, 4,4 % des individus de la population ont un diabète de type 2 traité. D’après les données de l’enquête ENTRED, le débit de filtration glomérulaire est en moyenne de 78ml/min/1,73 m2 et 18 % des patients sont en dessous de 30 ml/min. Les complications rénales sont fréquentes : de 18 à 20 % des patients sont en insuffisance rénale (plus de 40 % des patients au stade de dialyse sont des diabétiques), 7 % ont une macroalbuminurie et de 18 à 34 % une microalbuminurie. On peut par ailleurs déplorer que malgré des progrès certains entre 2001 et 2007, seulement la moitié des diabétiques bénéficient d’un dosage annuel de l’albuminurie. « En pratique, il n’est pas besoin de recueillir systématiquement les urines des 24 heures, le dosage de la microalbuminutie peut se faire sur les premières urines du matin », a précisé le Dr Halimi.

L’étude UKPDS a de son côté bien mis en évidence la relation quasi-linéaire existant entre l’excrétion urinaire d’albumine et le risque d’événement ou de décès d’origine cardio-vasculaire.

Ainsi, plus le débit de filtration glomérulaire diminue, plus le risque cardio-vasculaire augmente. Et, plus l’albuminurie initiale est élevée, plus le risque d’aggravation s’accroît.

Les études ont également permis de montrer que les médicaments antihypertenseurs réduisent d’autant mieux le risque cardio-vasculaire qu’ils agissent sur l’atteinte rénale. Et l’un des paramètres majeurs est l’impact du traitement initial sur la pression artérielle : plus la PA est abaissée, moins la fonction rénale se dégrade.

Faire baisser la micro-albuminurie est absolument essentiel chez le diabétique de type 1, car la perte de débit de filtration glomérulaire est associée à l’albuminurie. Chez le diabétique de type 2, réduire l’albuminurie est également un objectif : « la microalbuminurie est toxique pour le tubule rénal et la réduire permet de ralentir le déclin de la fonction rénale et d’améliorer le pronostic cardio-vasculaire », a souligné le Dr  Vincent Rigalleau (Bordeaux).

Sur le plan thérapeutique, à côté des mesures médicamenteuses (adaptation du traitement antidiabétique oral à la fonction rénale, correction des anomalies lipidiques, normalisation tensionnelle et glycémique), les mesures hygiénodiététiques jouent un rôle majeur : arrêt du tabagisme, pratique d’une activité physique, suivi d’un régime sans sel, voire d’un régime pauvre en protéines. L’éducation nutritionnelle représente à cet égard un volet important de la prise en charge. « Sans oublier de faire attention aux produits néphrotoxiques et donc d’éviter de prescrire des examens complémentaires imposant l’administration de produits de contraste », a souligné le Dr Gilbert Deray (Paris).

Session « Le rein diabétique », modérée par le Pr Michel Marre, Paris.

Dr ISABELLE HOPPENOT.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8926