La sensibilisation de la population au problème d’obésité via une médiatisation importante, associée à des canons esthétiques sociétaux basés sur la minceur, conduisent à une cristallisation des préoccupations individuelles autour de l’image de soi et de la représentation corporelle. La conséquence de ces phénomènes est une augmentation importante de la pratique de régimes amincissants dans la population générale, même par les sujets sans surpoids. D’après l’étude INCA 2, près du quart des adultes interrogés déclaraient suivre ou avoir suivi un régime amaigrissant l’année précédant l’enquête. Parmi la population féminine, ce phénomène est amplifié, puisqu’il concernait 30 % des femmes ayant un indice de masse corporelle (IMC< 25) et 15 % des femmes minces (IMC< 22). Or, si les bénéfices d’une perte de poids ont bien été prouvés parmi la population souffrant d’obésité, les risques liés à une pratique non médicalisée de régimes amaigrissants chez des sujets sans surpoids ont été peu évalués. Le ministère de la Santé à donc saisi l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) l’année dernière dans le cadre du futur PNNS 3, afin de procéder à une évaluation rigoureuse de ces risques pour la population générale.
Déséquilibre d’apports en micronutriments.
Le groupe de travail de l’ANSES a procédé à une analyse des quinze régimes les plus populaires en France, pratiqués sans suivi ou justification médicale, en les regroupant selon leur impact sur les apports nutritionnels. Il a ensuite étudié dans la littérature scientifique les conséquences biologiques des déséquilibres en macronutriments et micronutriments induits, ainsi que les conséquences psycho-comportementales liées à la pratique d’un régime.
Cette analyse met en évidence un risque élevé de déséquilibre nutritionnel et d’insuffisance d’apports. Il existe une forte inadéquation des régimes avec les principaux besoins nutritionnels moyens (BNM) en micronutriments, principalement en fer, magnésium, calcium, vitamine C et D. Pour 58 % des phases de régime, les apports en sodiums sont supérieurs à ceux recommandés par l’OMS, et plus de la moitié proposent des apports en lipides supérieurs à l’apport nutritionnel conseillé (ANC). Pour certaines phases de régime, les apports en protéines sont jusqu’à trois fois supérieurs à l’ANC. À l’inverse, les apports en fibres sont inférieurs à l’ANC pour les trois quarts des phases de régime.
La reprise de poids, un risque majeur.
Les risques physiopathologiques pour la population générale liés à ces déséquilibres sont nombreux : perte de masse musculaire, ostéopénie, troubles digestifs liés à la carence en fibres. Les régimes très hypocaloriques exposent au risque de troubles du rythme cardiaque, d’inflammations hépatiques et portales, de calculs biliaires. Les régimes hyperprotéiques peuvent être délétères chez les sujets ayant une fonction rénale altérée.
Le principal risque retrouvé, quel que soit le régime, est paradoxalement la prise de poids : 80 % des sujets reprennent du poids un an après la fin du régime. Ce phénomène est lié à des modifications profondes du métabolisme énergétique qui peuvent être à l’origine d’un cercle vicieux de reprise de poids à long terme, et conduire dans certains cas à l’installation d’un réel surpoids. La pratique d’une activité physique continue est le principal facteur de stabilisation pondérale. Les échecs à répétition de ces régimes ont également des conséquences psychologiques non négligeables : dépression, perte de l’estime de soi, voire troubles du comportement alimentaire.
Le rapport d’expertise de l’ANSES conclut que les régimes amaigrissants, en absence d’excès de poids, sont des pratiques à risque. Toute recherche de perte de poids ne doit se faire qu’en cas de surpoids ou d’obésité effective, après analyse étiologique sur indication médicale. Elle nécessite un accompagnement professionnel personnalisé.
Rapport d’expertise collective, Groupe de Travail « Évaluation des risques liés à la pratique de régimes à visée amaigrissante » Comité d’experts spécialisés « Nutrition humaine », novembre 2010, ANSES.
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