La pharmacopée du diabète de type 2 (DT2) a longtemps été cantonnée aux sulfonylurées et à la metformine. Ces deux classes « historiques », et l’insuline, ont été à la base de la grande étude UKPDS de la fin du XXe siècle qui a permis de tirer des leçons majeures quant au rôle du contrôle glycémique.
Depuis, deux nouvelles classes ont enfin élargi l’horizon thérapeutique, les incrétinomimétiques — agonistes du récepteur du GLP1 (arGLP1) puis multi-agonistes (GIP-glucagon) — et les iSGLT2 (gliflozines), toutes deux alliant effets glycémiques favorables sans hypoglycémies et perte de poids. Au détour d’essais de sécurité cardiovasculaire, exigés par l’Agence européenne des médicaments (EMA) et la Food and drug administration (FDA), des effets bénéfiques inattendus pour ces deux nouvelles classes ont été constatés : sur le plan cardiovasculaire (complications athéromateuses) pour les GLP1 et sur l’insuffisance cardiaque et le rein pour les iSGLT2 ; des effets qui ont été par la suite confirmés chez les non-diabétiques.
De plus, les bénéfices pondéraux de plus en plus spectaculaires avec les arGLP1 et les multi-agonistes ont offert, pour la première fois, après des années d’espoir et de déconvenues, un véritable traitement des surpoids et des états d’obésités, au point de devoir reconsidérer aujourd’hui la place de la chirurgie métabolique. Ces pertes de poids qui ont réduit plusieurs complications : apnée du sommeil (SAOS), pathologies hépatiques métaboliques (Mash), syndrome des ovaires polykystiques (Sopk), complications ostéoarticulaires, comme les gonarthroses (pour ces dernières, la chirurgie vient désormais en seconde intention dans les recommandations).
En somme pour ces molécules, tout a commencé par le traitement de l’hyperglycémie du diabète de type 2, puis celui de ses principales complications (cardiovasculaires et rénales), et des obésités et leurs conséquences. Leur intérêt résiderait-il pour autant uniquement dans les retombées de la perte de poids (avec donc un effet indirect) ? Pas uniquement ! Depuis peu, on comprend que les choses sont plus complexes et, de fait, des indications non métaboliques de la classe des incrétinomimétiques se dessinent.
Des effets anti-inflammatoires et immunitaires
Le GLP1 agit, via son récepteur, sur les cytokines pro-inflammatoires, plaque tournante de nombreuses pathologies. Il exerce ses effets, dont certains ne sont pas encore élucidés, dans de multiples tissus : tractus gastro-intestinal (estomac et intestin), pancréas, poumon, cœur, cellules musculaires lisses vasculaires, endothéliales, macrophages et monocytes, rein, système nerveux central (néocortex, cervelet, hypothalamus, hippocampe, noyau du tronc cérébral, tractus solitaire) et système nerveux périphérique.
Dans la gonarthrose, des injections directes intra-articulaires (IA) d’arGLP1, pourraient avoir des effets qui s’additionnent à ceux de la perte de poids. Les preuves s’accumulent et ces injections IA pourraient devenir le premier traitement de fond de l’arthrose. Plusieurs études précliniques et cliniques retiennent leurs propriétés analgésiques, anti-inflammatoires, anti-dégradatives et anaboliques dans ce contexte. Des essais cliniques sont en cours.
Dans les maladies neurodégénératives — maladies d’Alzheimer et à moindre titre de Parkinson — les incrétinomimétiques pourraient contribuer à restaurer et maintenir des fonctions cellulaires normales. Ils suppriment la neuro-inflammation, ont des effets de préservation cérébrale, réduisent l’apoptose neuronale, assurent une meilleure utilisation du glucose dans le cerveau et soutiennent les astrocytes, en y favorisant la glycolyse aérobie.
Ainsi, chez les animaux, de façon physiologique et pharmacologique, le récepteur du GLP1 semble réguler l’apprentissage, l’intégrité neuronale et la résistance aux lésions cérébrales. Et, dans les analyses post hoc des essais à visée cardiovasculaire dans le DT2, la progression des troubles cognitifs est réduite. On note aussi des taux abaissés de GLP1 endogènes dans les déficits cognitifs de sujets DT2. Le potentiel thérapeutique du sémaglutide oral est en cours d’essai chez des sujets à risque de développer une maladie d’Alzheimer.
Le déclin cognitif est ralenti
Il convient aussi de rapporter divers effets favorables sur la réduction de diverses addictions (tabac, alcool, opioïdes) et en dermatologie sur les plaques de psoriasis chez des sujets avec DT2.
En ce qui concerne les iSGLT2, ils réduisent la fibrillation atriale, et leurs effets anti-inflammatoires et immunitaires, indépendants de la glycémie, semblent prometteurs pour prévenir ou traiter des troubles cognitifs des sujets avec DT2 et dans les formes tardives de la maladie d’Alzheimer, avec ou sans diabète.
Ils agissent aussi sur le métabolisme de l’acide urique, avec des propriétés uricosuriques et anti-inflammatoires, utiles pour compléter l’allopurinol dans les hyperuricémies réfractaires ; cette propriété serait un déterminant important de leurs effets favorables sur les maladies rénales et l’IC.
Au total, notre pharmacopée, longtemps parent pauvre, apporterait désormais des solutions hors du champ des maladies métaboliques. Qui aurait imaginé un tel renversement de situation ?
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