Comment analyse-t-on, aujourd'hui, les données épidémiologiques sur la santé et la prévalence de maladies ?
L'Inserm a été le premier organisme français à publier, dès les années 1970, des rapports sur l'état de santé de la population. À l'époque, l'épidémiologie comportait trois branches. Elle pouvait être descriptive, analytique (identification des facteurs de risques) ou encore, axée sur l'évaluation médico-économique des interventions en santé. Aujourd'hui, l'Inserm ne fait plus d'épidémiologie descriptive. Celle-ci est désormais effectuée par des biostatisticiens de Santé publique France et de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees). Résultats : les chercheurs doivent récupérer des données existantes, collectées par ailleurs, pour les analyser. Cette division chercheurs/collecteurs de données ne nous permet pas de travailler de façon optimale sur l'épidémiologie et la démographie du Covid.
Quel a été l'apport de l'Ined en matière de démographie du Covid-19 ?
En mars dernier, je me suis porté volontaire, avec des collègues de l'Institut national d'études démographiques (INED), pour constituer un site d'information sur la mortalité due au Covid, selon deux critères démographiques majeurs : le sexe et l'âge. Nous avons demandé à Santé publique France de nous transmettre leurs données de mortalité hospitalière par sexe et âge ; à l'Inserm, de nous faire part des bulletins de décès hospitaliers avec mention Covid. Et à l'Insee, de nous livrer leurs données par sexe, âge et lieu de décès. Après analyse, nous avons réussi à obtenir des informations détaillées sur les décès liés au Covid pour 17 pays (et bientôt plus), disponibles sur le site : https://dc-covid.site.ined.fr.
Quel est l'âge moyen de décès dus au SARS-CoV-2 ?
La base de données de l'Inserm comprend tous les décès enregistrés, dont tous ceux avec mention du Covid en France (du 1er mars au 7 juillet). À partir de ces informations, nous avons effectué deux pyramides des âges : pour l'ensemble des décès et pour ceux liés au Covid. Nous avons pu observer qu'elles ont quasiment la même forme. Ainsi, la mortalité du Covid se répartit comme l'ensemble de la mortalité française. Cela nous montre qu'en France, globalement, on ne meurt plus avant 65 ans. Les rares décès survenant avant cet âge sont surtout liés à la mortalité prématurée des hommes. La mortalité liée au Covid est légèrement décalée dans le temps, elle se situe plutôt à partir de 75 ans.
Le risque de mourir du Covid est-il lié au sexe et à l'âge ?
Chez les hommes, entre 80 et 90 ans, la mortalité liée au Covid est plus importante que la mortalité générale. Chez les femmes, ce même phénomène s'observe au-delà de 90 ans. Ainsi, le premier facteur de risque de mourir du Covid est un âge avancé. À plus de 80 ans, ce risque est multiplié par 20 ou 30, par rapport à une personne âgée de 65 ans. La France est l'un des pays où l'espérance de vie est la plus élevée au monde. Le risque de mourir se produit très tard, quelle que soit la cause du décès. Il en est de même pour le Covid. Et, globalement, il y a autant de décès masculins et féminins liés au Covid. Mais les femmes décèdent, en moyenne, cinq à six ans plus tard que les hommes. Ce décalage d'âge suffit à expliquer que pour un âge donné, le risque de décéder est, à chaque fois, doublé chez les hommes comparés aux femmes. En revanche, il n'y a pas deux fois plus de décès masculins dus au coronavirus.
Comment se répartissent les décès selon le lieu de vie des seniors ?
Aujourd'hui, environ 600 000 personnes vivent dans les EHPAD. Nos travaux ont montré que 49 % de la mortalité liée au Covid concerne les résidants des EHPAD. Au cours de la première vague, le personnel des EHPAD, ayant été privé de masques, a contaminé les personnes très âgées. On a ainsi laissé le virus entrer dans les lieux censés être très protégés. Aucune initiative cohérente et organisée n'a été mise en place pour comprendre le mode de diffusion et de contamination du coronavirus. Quant aux personnes décédées du Covid à l'hôpital, les chiffres restent très généraux et ne permettent pas de connaître les services concernés et notamment, les 600 unités de soins de longue durée (USLD) qui accueillent environ 30 000 patients très vulnérables. De même, nous n'avons pas d'informations fiables sur le nombre de personnes décédées à domicile.
(1) Directeur de recherche émérite à l’Inserm et à l’Ecole pratique des hautes études (EPHE), conseiller scientifique auprès de la direction de l’Institut national d'études démographiques (INED)
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