Usual suspect

Les vertiges au-delà du vestibule

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Publié le 28/10/2019
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Plainte majeure chez le sujet âgé, les vertiges concernent 61 % des femmes et 3 7 % des hommes après 75 ans. On en connaît les conséquences potentiellement dramatiques en raison du risque de chutes, et on accuse rapidement le vestibule. Mais est-il le seul coupable ?

Toutes les composantes de l’équilibration doivent être explorées

Toutes les composantes de l’équilibration doivent être explorées
Crédit photo : Phanie

La « presby-vestibulie », conséquence du vieillissement, est liée à la dégénérescence des cellules neurosensorielles vestibulaires et à la défaillance des capteurs vestibulaires. Mais l’âge s’associe aussi à l’atteinte d’autres composantes essentielles à l’équilibration : défaillance visuelle (réduction du champ et de l’acuité visuelle et surtout baisse de la sensibilité aux contrastes, phénomène essentiel de l’altération de l’équilibre), altérations neurologiques (perte de la proprioception et de l’extéroception, ralentissement de la conduction nerveuse, défaillance de l’intégration centrale, perte des automatismes). « Il ne faut pas regarder seulement par le trou de la serrure du vestibule, insiste la Dr Cécile Parietti-Winkler (CHU de Nancy). Celui-ci n’est qu’une composante de la fonction d’équilibration et il suffit d’un facteur précipitant – comme une pathologie vestibulaire aiguë – ou prédisposant (toute pathologie chronique surajoutée agissant à un ou plusieurs niveaux de l’équilibration) pour provoquer des vertiges ou des troubles de l’équilibre ».

Un bilan ORL aspécifique

Même si l’interrogatoire est parfois difficile, il est indispensable de rechercher des antécédents de chutes. Le plus souvent, on ne retrouve souvent qu’une instabilité, la composante rotatoire n’étant pas toujours perçue, même en cas d’atteinte vestibulaire vraie. « Certes, on hésite souvent à manipuler ces personnes fragiles, mais les manœuvres de provocation devraient cependant être réalisées, en les adaptant », poursuit l’ORL.

Il faut faire préciser l’environnement, le mode de vie, les activités quotidiennes et surtout évaluer les conséquences psychoémotionnelles de l’atteinte vestibulaire. Lorsqu’elle devient chronique, elle génère en effet une anxiété anticipatoire qui conduit au repli, à la restriction de l’autonomie et à une dépendance, très mal vécue, vis-à-vis de l’entourage, avec hyperémotivité.

Il ne faut pas sous-estimer le poids cognitif de la maladie vertigineuse, qui focalise toutes les facultés du patient au détriment des autres taches cognitives. Pour diminuer la charge mentale, il est essentiel de rechercher et éventuellement appareiller une perte auditive, la prothèse ayant, au-delà de son effet direct sur l’audition, un impact bénéfique sur l’équilibration en libérant l’attention apportée à l’écoute.

Le bilan vestibulaire instrumental est controversé et ses résultats contradictoires. Il est cependant nécessaire pour faire la part entre le vieillissement vestibulaire physiologique et une pathologie vestibulaire surajoutée, en particulier le vertige positionnel paroxystique bénin (VPPB), extrêmement fréquent chez les personnes âgées, l’aréflexie vestibulaire bilatérale, secondaire à des médicaments ototoxiques, voire un schwannome vestibulaire.

Bon pied, bon œil

Avant de proposer une rééducation de l’équilibre (terme moins réducteur que celui de rééducation vestibulaire), il faut s’assurer de l’état des autres composantes de l’équilibration, par un bilan ophtalmologique, orthoptique, cognitif, neurologique central et périphérique et orthopédique. Les facteurs favorisant la chute, comme l’incontinence et l’impériosité mictionnelle, doivent être recherchés car ils constituent un facteur incontestable de chutes, en particulier nocturnes.

Session « Vertiges : quelques dogmes revisités »

Dr Maia Bovard Gouffrant
ORL

Source : Le Quotidien du médecin