Les cartes de la dermatite atopique rebattues

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Publié le 04/02/2022
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L’arrivée de nouvelles biothérapies et des inhibiteurs de JAK devraient amener à moduler la prise en charge de la dermatite atopique en fonction du phénotype, des comorbidités associées et de sa sévérité.

Deux tiers des patients obtiennent un contrôle satisfaisant sous méthotrexate

Deux tiers des patients obtiennent un contrôle satisfaisant sous méthotrexate
Crédit photo : phanie

Actuellement, la prise en charge de la dermatite atopique (DA) doit débuter par des soins locaux (dermocorticoïdes, inhibiteurs de la calcineurine, émollients). En cas d’échec, trois options sont possibles : la photothérapie, qui a l’AMM chez l’adulte mais ne doit pas être utilisée au long cours, la ciclosporine (AMM après 16 ans), intéressante du fait de son action rapide mais qui ne doit pas non plus être prescrite sur le long terme et demande une surveillance de la fonction rénale, et enfin le méthotrexate, qui n’a pas l’AMM mais est largement employé par les dermatologues. Son action est plus lente, mais il peut être pris au long cours ; il est contre-indiqué chez le sujet âgé et s’il existe un désir de grossesse, et impose un suivi hépatique. Une étude récente montre que deux tiers des patients obtiennent un contrôle satisfaisant de leur maladie qui se maintient dans le temps.

S’ajoutent désormais les nouveaux traitements, biomédicaments et inhibiteurs de JAK.

Le dupilumab fait partie de la trousse à outils usuelle dans la DA. Cet anti IL4-IL13 a l’AMM quel que soit l’âge, et l’intérêt de couvrir aussi les comorbidités comme l’asthme, la polypose naso-sinusienne ou l’œsophagite à éosinophiles. Dans les analyses en vraie vie, il assure un bon contrôle de la maladie dans 70 % des cas, maintenu à plus de 3 ans, avec une efficacité d’autant plus importante que le sujet est jeune.

Son profil de tolérance est satisfaisant, en dehors des effets secondaires ophtalmologiques, plus fréquents que dans les essais cliniques. Par exemple on relève, dans l’étude Dupi Œil-Great, 19 % de blépharoconjonctivites ; leur survenue serait corrélée à la présence initiale de lésions cutanées du visage et du cou, à une érythrodermie et à un œil sec. La prise en charge de cet effet indésirable est mieux rôdée et on n’arrête plus systématiquement le dupilumab lorsqu’il survient.

On devrait disposer prochainement d’un anti-IL13, le tralokinumab, qui a l’AMM chez l’adulte. En association aux dermocorticoïdes, il permet un bon contrôle de la maladie dans 56 % des cas à 4 mois. Il est bien toléré, avec 11 % de conjonctivites, vs. 3 % dans le groupe placebo. On attend autres anti-IL13 et des anti-IL31.

Incontournables inhibiteurs de JAK

D’action rapide et efficaces sur le prurit, les inhibiteurs de JAK ont fait leur entrée en force dans la DA. Le baricitinib, inhibiteur JAK-1 et 2, a l’AMM chez l’adulte en cas d’échec, de contre-indication ou d’intolérance à la ciclosporine. D’autres inhibiteurs, sélectifs ou non, sont attendus, comme l’upadacitinib, un anti-JAK-1 qui a l’AMM à partir de 12 ans. Il est significativement plus efficace que le dupilimumab, provoque moins de problèmes ophtalmologiques mais cause plus d’infections, en particulier herpétiques, et peut entraîner, comme tous les inhibiteurs de JAK, une éruption acnéiforme.

Le delgocitinib est un pan-inhibiteur de JAK, qui donne des résultats intéressants sous forme de topique.

L’agence américaine de régulation, la FDA, avait émis une alerte sur le risque potentiel de complications thromboemboliques, évènements cardiovasculaires majeurs, cancers bronchiques et lymphomes constatés sous inhibiteur de JAK (surtout le tofacitinib). Mais ces effets ont été observés dans une cohorte de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, donc plus âgés et plus fragiles. On attend les données du registre First pour préciser le risque éventuel dans la DA.

Un traitement plus personnalisé

« Toute la difficulté, à l’avenir, sera de déterminer la place de ces différentes molécules. Les recommandations actuelles sont un peu complexes et imprécises, fondées uniquement sur la sévérité. Il est très vraisemblable qu’on s’achemine vers un traitement plus personnalisé selon le phénotype de DA, les comorbidités, la présence de lésions au niveau de la tête et du cou, l’intensité du prurit », explique la Pr Delphine Staumont-Sallé (CHU de Lille).

Dans la DA modéré à sévère de l’adulte, on peut ainsi envisager en premier lieu la ciclosporine ou le MTX et, en cas d’échec ou d’intolérance, le dupilimumab ou le baricitinib, avec l’upadacitinib en troisième intention. Selon l’avis des experts, en cas de morbidités atopiques, on pourrait privilégier le dupilumab en deuxième ligne. En revanche, en d’atteinte sévère de la tête et du cou, ou de prurit intense, on préférera dès la deuxième ligne un inhibiteur de JAK ou un anti-IL13 dans le premier cas, un anti-IL31 dans le second. Enfin, en cas d’antécédents herpétiques ou de facteurs de risque cardiovasculaires, le traitement de première ligne devrait être le MTX, avec recours aux antiIL4/13 en deuxième ligne.

Exergue : Le phénotype, les comorbidités, la présence de lésions au niveau de la tête et du cou, et l’intensité du prurit devront être pris en compte dans le choix thérapeutique

Session ACTU2, Dermatite atopique

Dr Maia Bovard-Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin