Plus vite et plus tôt pour la réanimation des arrêts

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Publié le 02/06/2021
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L’European resuscitation council a mis à jour ses recommandations de réanimation cardiopulmonaire fin mars (1). Elles mettent notamment l’accent sur la coordination des premiers secours et la place des citoyens sauveteurs, pour améliorer la phase initiale de la prise en charge, avec un recours aux applications.

Le délai avant massage ne devrait pas dépasser les 90 secondes

Le délai avant massage ne devrait pas dépasser les 90 secondes
Crédit photo : phanie

Si les nouvelles recommandations pour la réanimation cardiopulmonaire (RCP), publiées fin mars par l’European resuscitation council (ERC), ne bousculent pas la donne, elles mettent l’accent sur un point central, la coordination des premiers secours (1).

L’ERC rappelle que le délai idéal entre l’appel à un centre et les premiers conseils de massage cardiaque ne devrait pas excéder 90 secondes. Dans ce but, on devrait se limiter à deux questions : « Le patient est-il conscient ? Respire-t-il ? » Si la réponse est deux fois non, il faut recommander immédiatement le massage cardiaque ; c’est la stratégie « no-no-go ». Cela suppose de former les opérateurs aux pièges de la reconnaissance de l’arrêt cardiaque que sont les respirations agoniques (40 % des cas) et les convulsions initiales (5 % des cas).

La place réaffirmée des citoyens sauveteurs

Le centre coordonne ensuite la prise en charge, en assistant le témoin et en envoyant des secours : citoyens sauveteurs et équipes médicales. Pour rappel, la moitié des arrêts cardiaques en France ne sont pas massés avant l’arrivée des secours professionnels. Le délai avant massage dépasse très souvent les 90 secondes, alors que toutes les minutes comptent : le massage multiplie d’un facteur deux à trois la survie sans séquelle neurologique. « Dans notre centre, seuls 40 % des témoins reçoivent des conseils de massage dans les 90 secondes. Il faut faire mieux. L’organisation au sein du centre de régulation est primordiale », insiste le Pr Guillaume Debaty (CHU Grenoble-Alpes).

Le texte de l’ERC prône un recours plus systématique, par la régulation, à des applications téléphoniques permettant d’envoyer des citoyens sauveteurs sur les lieux. Il s’agit de volontaires, pour la plupart formés aux gestes de premiers secours, dont des secouristes, des professionnels de santé, des pompiers, etc., pouvant aider au massage voire à la défibrillation avant l’arrivée des secours. Plusieurs outils existent. En France, « SAUV Life » est le plus utilisé par les Samu. Elle permet de recruter des volontaires, de leur faire repérer un DAE et de les guider vers la victime. « À Grenoble, où nous l’utilisons depuis 2019, on trouve quasiment un volontaire à chaque arrêt », explique le Pr Debaty. Actuellement, 500 000 volontaires sont recensés en France.

Le déploiement et le recensement géographique national des DAE augmentent aussi les chances de massage et défibrillation rapides.

Massage, défibrillation, adrénaline, et soins postréanimation

Au niveau de la prise en charge médicale, le texte de l’ERC souligne l’importance de la qualité du massage et d’une défibrillation rapide. La place de l’adrénaline est réaffirmée en systématique dans les rythmes non choquables (asystole et rythme sans pouls) et après le 3e choc dans les rythmes choquables. Lidocaïne ou amiodarone ont une place dans les fibrillations ventriculaires réfractaires.

Une fois le patient réanimé, les soins post-réanimation sont cruciaux. Sont recommandés en particulier une ventilation-oxygénation « normale », ciblant une saturation de 94-98 %, une optimisation hémodynamique visant les 65 mmHg de PAmoy, favorisant la perfusion cérébrale, plus une hypothermie entre 32 et 36 °C (33 °C en général en France).

Cela, sans oublier les explorations orientées par la clinique, en particulier l’angiographie et le scanner cérébral, destinées à identifier et traiter la cause de l’arrêt.

Arrêts de réanimation : jamais avant 72 h

Le texte insiste sur la nécessité d’attendre au moins 72 heures après la reprise d’activité circulatoire avant d’évaluer le pronostic neurologique. Certains patients mettent en effet longtemps à récupérer. Et plusieurs tests pronostiques concordants sont indispensables avant d’envisager la limitation de soins.

Enfin, les critères pour ne pas initier une réanimation restent assez restrictifs (sécurité des sauveteurs non assurée, consigne valide de non-réanimation) de même que ceux pour arrêter une réanimation (absence de témoins, rythme non choquable, absence de réponse à la réanimation, absence de signes de vie, taux d’ETCO2…).

Il est par ailleurs préconisé de permettre aux familles d’assister à la réanimation pour faciliter leur deuil.

Exergue : La moitié des arrêts cardiaques en France ne sont pas massés avant l’arrivée des secours professionnels

 

Entretien avec le Pr Guillaume Debaty (CHU Grenoble-Alpes)

(1) European Resuscitation Council Guideline for Resuscitation. Resuscitation 2021;161:1-432

 

Pascale Solère

Source : Le Quotidien du médecin