L’obésité est endémique. Sa prévalence a globalement triplé dans le monde depuis 1975, et cette évolution devrait se poursuivre : de 46 % des adultes (29 % chez les 5-18 ans) atteints de surpoids ou d’obésité en 2025, le World Obesity Atlas prévoit que 54 % d’entre eux (39 % chez les 5-18 ans) le seront dans dix ans.
Autant voire plus qu’en population générale
Cette évolution en population générale n’épargne pas les diabétiques de type 1 (DT1), bien au contraire. Aux États-Unis, plus de 67 % d’entre eux étaient en surpoids ou obèses dans une étude menée entre 2016 et 2018 chez les plus de 26 ans : 29 % de surpoids, 38 % d’obésité. Dans une autre étude, les diabétiques de type 2 (DT2) étaient 52 % à être en surpoids et 34 % à être obèses, contre 38 % et 28 % respectivement en population générale.
En Allemagne, les courbes du surpoids et de l’obésité augmentent plus vite dans le DT1 qu’en population générale, avec un coefficient de 1,8 vs 1,4 respectivement.
Chez les enfants, c’est le même constat : surpoids et obésité augmentent dans le DT1, comme en population générale. Aux États-Unis, 28 % des DT1 de moins de 18 ans sont en obésité ou en surpoids. Ce taux est significativement plus élevé chez les filles, et lors d’insulinothérapie intensive.
Un combo redoutable
Et ce n’est pas une bonne nouvelle. Surpoids et obésité génèrent de l’insulinorésistance, une augmentation du risque cardiovasculaire (CV) et de la morbimortalité, un mauvais contrôle métabolique (hypertriglycéridémie, LDL élevé, HDL bas, HTA) et augmentent le risque cardiorénal.
Une méta-analyse de 24 études montre par ailleurs que les enfants et les adolescents atteints de DT1 ont un excès de graisse corporelle par comparaison aux non-diabétiques (1). Cet excès représente en moyenne 2,3 % du poids corporel (1,2 kg). D’autres travaux montrent que plus le DT1 est précoce, et plus la dose journalière d’insuline est élevée, plus on observe un excès de masse grasse chez l’enfant.
Obésité et diabète forment donc aujourd’hui un combo redoutable, d’autant que les deux pèsent sur le risque cardiovasculaire.
Des maladies intriquées ?
Comment expliquer cette évolution de patients classiquement maigres à des DT1 en surpoids ou obèses ? Certes, les pompes à insuline et les lecteurs de glycémie en continu ont largement amélioré le contrôle glycémique des DT1. Mais on constate aussi, aux États-Unis, que plus de la moitié (60 %) des cas de DT1 apparaissent chez l’adulte (2). Ce qui vient poser une question d’ordre physiopathologique : existe-t-il des interrelations entre ces deux pathologies métaboliques ? Plusieurs mécanismes pourraient y participer.
Chez un patient atteint de DT1, l’insuline exogène perturbe la balance entre insuline périphérique et hépatique ; la peur d’une hypoglycémie tend à réduire l’activité physique ; et divers facteurs psychologiques – dépression, boulimie – ajoutés à l’interruption de la régulation alimentaire et à l’augmentation de la sensation de faim induisent un accroissement des apports en nutriments, venant favoriser la prise de poids (3).
Côté obésité, l’inflammation, la haute teneur en gras, le régime alimentaire riche en hydrates de carbone et l’insulinorésistance font le lit d’une fragilité des cellules bêta, et d’une dysbiose venant accélérer la dégradation de ces cellules et favoriser le développement d’une auto-immunité (4). Les intrications sont nombreuses et complexes et les interrelations plus que probables. Mais il reste encore un long chemin avant d’élucider le lien de causalité entre obésité et diabète de type 1.
Double diabète ou diabète mixte
Avec le développement, et parfois même la présence dès le diagnostic, d’une obésité chez les DT1, on voit aujourd’hui que la frontière entre diabète de type 1 (DT1) et 2 (DT2) n’est pas hermétique. « En témoigne d’ailleurs l’émergence d’une nouvelle entité de diabète : les doubles diabètes, ou diabètes mixtes », souligne le Pr Éric Renard (CHU de Montpellier), président de la Société francophone du diabète (SFD). Ces doubles diabètes associent un déficit sévère de sécrétion d’insuline, avec la détection dans 90 % des cas d’anticorps anti-GAD, anti-IA2, anti-insuline et/ou anti-ZnT8, qui caractérisent le DT1, à un excès pondéral, une insulinorésistance et un excès de production hépatique de glucose, qui caractérisent le DT2.
« Les traitements de ces doubles diabètes relèvent en toute logique physiopathologique de ceux indiqués dans le DT1 et le DT2 », résume le Pr Renard. Soit une insulinothérapie intensive (via multi-injections, pompes ou boucles fermées), à laquelle peuvent s’ajouter des molécules qui ciblent les mécanismes impliqués dans le DT2, comme les agonistes du récepteur au GLP-1 (arGLP-1).
« Divers travaux ont montré une efficacité très intéressante du combo insuline/aRGLP-1 sur le contrôle glycémique et le poids dans le phénotype de double diabète », note le Pr Renard.
arGLP-1/insuline : une piste prometteuse
L’association insuline/sémaglutide, la plus explorée, exerce un bénéfice net sur l’évolution pondérale et glycémique. Les DT1 mis, dès l’initiation de l’insulinothérapie, sous sémaglutide prennent moins de poids que sous insuline seule, et ce, à HbA1c comparable (5). Les DT1 obèses mis sous sémaglutide perdent du poids et cette perte est multipliée d’un facteur deux sous tirzépatide, vs sémaglutide (6). Bref, les arGLP-1, et plus encore les nouveaux agonistes comme le tirzépatide, double agoniste GLP-1 et GIP, pourraient devenir une pierre angulaire du traitement des DT1 en surpoids ou obèses.
« Si l’AMM des arGLP-1 ne concerne que les DT2, les personnes atteintes de double diabète pouvant leur être assimilées, leur prescription dans ce cadre entre per se dans l’AMM », indique le Pr Renard. Ce type d’associations est néanmoins actuellement limité à l’âge adulte, au vu du peu de données d’efficacité et sécurité en pédiatrie chez des doubles diabétiques de moins de 15 ans.
Entretien avec le Pr Éric Renard (CHU de Montpellier)
Communications de la Pr Shlomit Shalitin (Tel-Aviv, Israël) et des Drs Satish Garg (Denver, Colorado) et Carmel Smart (Newcastle, Australie)
(1) Zhengy Y et al. Frontiers in Pediatrics 2022 ;10:911061
(2) Manrique-Acevedo C et al. NEJM 2024;390:1207-17
(3) Balley M et al. Diabetes Technol Ther 2024 ; 26:156-60
(4) Liu X et al. Diabetes Care 2020; 43: 556-62
(5) Dandona P et al. NEJM 2023;389(10): 958-9
(6) Garg SK et al. Diabetes Technol Ther 2024;26(3):184-9
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