Aujourd’hui encore, le diagnostic de diabète est souvent trop tardif, avec un délai de trois à cinq ans. « Et ceci est vrai pour tous les types de diabète, souligne le Pr Éric Renard (CHU de Montpellier et centre d’investigation clinique CIC Inserm 1411), président de la Société francophone du diabète (SFD). Or on sait que la prise en charge précoce conditionne de manière non négligeable la capacité des traitements à réduire les complications, notamment cardiovasculaires ; c’est le concept de la mémoire glycémique. »
La perte de poids avant tout
Mais quelles sont les personnes à dépister en priorité ? Rien de neuf en la matière. « Il faut dépister en priorité la population la plus à risque de développer un diabète de type 2. Il s’agit des obèses (même s’ils sont loin d’être tous diabétiques), des sujets ayant des antécédents familiaux de diabète, des femmes ayant fait un diabète gestationnel, des hypertendus et des fumeurs. Et ce dépistage doit être renouvelé tous les trois ans dès l’âge de 25-30 ans », rappelle le Pr Renard.
Une fois les sujets dépistés, encore faut-il les prendre en charge au plus tôt. « Les mesures hygiénodiététiques constituent la pierre angulaire du traitement du diabète de type 2 et l’intervention principale pour garder une glycémie à jeun inférieure à 1,26 g/l, voire à 1,1 g/l dans le haut risque cardiovasculaire », souligne le Pr Renard. Ces mesures hygiénodiététiques visent une réduction des apports caloriques et une augmentation de l’activité physique (1). « La simple perte de poids suffit en effet bien souvent à faire disparaître le diabète et à revenir à un stade prédiabétique, soit à une glycémie à jeun inférieure à 1,1 g/l, insiste le Pr Renard. D’ailleurs, des études finlandaises et américaines ont bien montré qu’en présence de glycémies à jeun inférieures à 1,25 g/l, ces seules mesures suffisent généralement à ralentir ou inverser l’évolution vers le diabète. »
Des risques désormais accessibles
On sait depuis longtemps que l’hyperglycémie du diabète s’accompagne d’un surrisque cardiovasculaire, encore majoré en présence d’antécédents cardiovasculaires – haut risque, antécédents d’infarctus du myocarde (IDM), d’accident vasculaire cérébral (AVC), insuffisance cardiaque (IC). Le diabète, associé à des altérations rénales chroniques, est aussi le plus grand pourvoyeur d’insuffisance rénale menant aux dialyses et aux greffes rénales. « Ces complications représentent, et de loin, le premier coût de santé du diabète, types 1 et 2 confondus », note le Pr Renard.
Ces dernières années, les agonistes du récepteur au GLP-1 (arGLP-1) et les inhibiteurs du SGLT2 (iSGLT2) ont largement fait leurs preuves dans la prévention de ces risques. « Résultat, ces molécules viennent désormais juste après la metformine dans l’escalade des traitements médicamenteux en ce contexte rénovasculaire, une stratégie validée par la HAS l’an passé lors de l’actualisation de ses recommandations (1), se félicite le Pr Renard. Et tout diabétique de type 2 (DT2) présentant une albuminurie ou un haut risque cardiovasculaire relève d’un traitement par agoniste GLP-1 ou par iSGLT2. »
Deux tiers des diabétiques de type 2 souffrent également de stéatose hépatique, avec une maladie métabolique et inflammatoire du foie associée à une accumulation de graisse au niveau hépatique (Mafld). Cette inflammation va évoluer, chez environ 20 % des patients, en fibrose puis en cirrhose, qui fait le lit des cancers hépatiques. C’est pourquoi le dépistage systématique de la stéatose hépatique est désormais recommandé. Mais pour préciser le risque, et phénotyper la stéatose, on peut aller plus loin, en associant, à l’échographie hépatique de dépistage, une évaluation de la fibrose (élastogramme) et des marqueurs biologiques sériques (panel FIB-4). « Sachant qu’à l’avenir, on devrait disposer de marqueurs plus spécifiques, au vu des recherches menées en la matière, comme l’ont illustré plusieurs présentations au cours de ce congrès », explique le Pr Renard.
Nouveautés thérapeutiques
De nouveaux traitements vont bientôt venir élargir la palette thérapeutique. « Ils pourraient accroître encore la protection cardiovasculaire et rénale des DT2 », souligne le Pr Renard. C’est le cas des antagonistes non-stéroïdiens du récepteur minéralocorticoïde. Parmi eux, la finérénone (Kerendia, Bayer), agréée par la FDA américaine et commercialisée en Belgique depuis 2023, devrait, on l’espère, bientôt arriver en France.
Avant la finérénone, deux antagonistes stéroïdiens du récepteur minéralocorticoïde ont été utilisés en clinique. La spironolactone, puis l’éplérénone, plus sélective. Dans les années 1990, de larges essais de phase 3 dans l’IC avaient montré le bénéfice cardiovasculaire de ces molécules, qui deviendront des piliers de sa prise en charge, avant que n’arrivent les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC). Mais leur bénéfice rénal, et même cardiovasculaire, hors IC, est moins clair.
C’est dans ce contexte que des antagonistes non stéroïdiens tels que la finérénone ont été développés.
Les essais de phase 3 (Fidelio-DK et Figaro-DKD) ont montré son bénéfice sur le devenir rénal et cardiovasculaire de patients DT2 ayant une micro-atteinte rénale, déjà sous doses maximales d’inhibiteur du système rénine-angiotensine (SRA). Ils mettent en évidence, avec un suivi médian de 2,6 ans, une réduction relative du critère composite rénal – progression vers l’IR, perte de DFG ≥ 40 %, décès de cause rénale – de 18 % : RR = 0,82 [0,73-0,93]. Du côté cardiovasculaire, une troisième étude (Figaro) montre une réduction relative du critère composite – décès cardiovasculaire, IDM, AVC, hospitalisation pour IC – de 13 % (RR = 0,87 [0,76-0,98]), à 3,4 ans de suivi médian.
Entretien avec le Pr Éric Renard (CHU de Montpellier)
(1) Stratégie thérapeutique du patient vivant avec un diabète de type 2. Recommandations de bonne pratique ; HAS juin 2024
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