La surveillance de la croissance a pour objectif le dépistage précoce de maladie chez un enfant apparemment "sain". Or cette surveillance pâtit actuellement d’une absence de consensus sur ses trois éléments clefs : les courbes de références à utiliser, les affections cibles à diagnostiquer et la définition d’une croissance normale.
Les courbes de croissance actuellement utilisées en France sont celles de Sempé établies en 1979 à partir de l’étude de 588 enfants nés entre 1953 et 1954, à Paris, de parents d’origine française. En 2006 l’OMS a proposé de nouveaux standards de croissance, de la naissance à 5 ans, définis à partir d’une étude multicentrique ) d’enfants nés entre 1997 et 2003, tous allaités sur une longue période. L’OMS a ensuite étendu ces courbes jusqu’à l’âge de 19 ans en utilisant d’anciennes données d’enfants nord américains nés dans les années 60-70. L’impact du remplacement des courbes françaises par les courbes OMS a été évalué à partir de 12 études longitudinales ou transversales totalisant 27 757 enfants de la naissance à 18 ans. Au total la croissance des jeunes français serait plus proche des courbes de l’OMS que de celles de Sempé entre 6 mois et 18 ans. En revanche, dans les 6 premiers mois de vie, les enfants français ont une croissance moins rapide que ceux des courbes de l’OMS. L’utilisation de courbes OMS conduirait donc à une plus forte prévalence d’enfants repérés comme ayant un retard de croissance dans les 6 premiers mois, à une plus forte prévalence également de surpoids surtout après l’âge de 5 ans . A titre individuel, le recours à ces courbes pourrait conduire, en faisant apparaitre une croissance insuffisante dans les tout premiers mois de vie, à modifier les conseils donnés aux parents et notamment à remettre en cause le bien fondé de l’allaitement. Des études seront nécessaires pour évaluer les répercussions cliniques de leur utilisation. Difficile donc de savoir aujourd’hui si les courbes OMS pourront être intégrées dans la nouveau version du carnet de santé prévue dans deux ans.
Les pratiques de surveillance de la croissance restent aujourd’hui très variables et suboptimales pour certaines d’entre elles. Le délai diagnostique de certaines maladies cibles, le syndrome de Turner par exemple, est trop long, et, à l’inverse, de nombreux enfants indemnes de maladie ont des bilans inutiles. Il reste donc à établir une liste d’affections cibles prioritaires,- un groupe de spécialistes d’horizons divers y travaille-, et à définir un algorithme de surveillance de la croissance que de nombreux médecins appellent de leur voeux.
Dr Hélène Collignon
D’après la communication de Pauline Scherdel, Inserm U 1018, hôpital Paul Brousse, Villejuif, université Paris Sud, le Kremlin Bicêtre.
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