Les effets à long terme des IPP, c’est-à-dire essentiellement dans les indications de reflux gastro-œsophagien (RGO) et de prévention des complications liées aux antiagrégants et aux anti-inflammatoires, ont fait l’objet de plusieurs revues de la littérature dont les conclusions se rejoignent, tant sur la sécurité d’emploi globale de ces molécules que sur la faiblesse des études disponibles, observationnelles rétrospectives, et souvent biaisées ou mal conçues. Par exemple, les personnes à risque cardiovasculaire étant aussi à risque de RGO en raison de la surcharge pondérale et de l’obésité abdominale, rien de surprenant à ce que l’on retrouve plus d’accidents chez ces patients plus souvent sous IPP.
Quels risques associés aux IPP ?
Concernant le risque d’ostéopénie et fracturaire, sous-tendu par une diminution de l’absorption du calcium, mais aussi celui de pneumopathies communautaires du fait d’une pullulation microbienne gastrique théorique, « la force de l’association est faible et les études non cohérentes, détaillait le Pr Edoardo Savarino (université de Padoue). Quant aux carences potentielles, en réalité le risque est faible pour la vitamine B12, inconnu pour le fer et le calcium, voire contradictoire selon les études. Pour leur part, les surrisques d’accident ischémique cardiaque, de néphrites interstitielles aigües, d’insuffisance rénale chronique et de démence sous IPP au long cours ne sont pas convaincants, la force de l’association étant faible avec soit des facteurs confondants, soit des résultats qui se contredisent. En revanche, toutes les études s’accordent sur le fait qu’il ne semble pas y avoir d’augmentation du risque de polypes glandulo-kystiques ; le mécanisme théorique serait une réponse de la muqueuse à l’hypergastrinémie. La force de l’association entre IPP et survenue de carcinoïdes gastriques est lui aussi très faible, avec seulement quelques cas publiés dans la littérature ».
Une revue récente suggère un risque accru d’asthme et d’allergie chez les enfants dont les mères étaient sous IPP durant la grossesse. Mais au final, et de manière consensuelle, deux surrisques peuvent raisonnablement être attribués à la prise prolongée d’IPP : celui d’hypomagnésémie (patients sous diurétiques, insuffisants rénaux, traités par inhibiteurs de calcineurine) et de colite infectieuse.
« Association » ne signifie pas « causalité »
Pointés du doigt, au vu de la littérature disponible, les effets secondaires des IPP à long terme ne sont pas avérés. Mais les experts le reconnaissent volontiers que ce n’est pas parce que les risques ne sont pas formellement démontrés qu’ils n’existent pas. D’où les précautions d’usage, à commencer par la prescription des IPP à la dose minimale efficace, sur la plus courte durée possible et privilégier, lorsque c’est possible, les traitements à la demande.
Le mésusage a la vie dure
Le point sur lequel tous s’accordent également est le large mésusage des IPP qui perdure, quel que soit le pays. En France, la HAS estimait que 60 % des prescriptions étaient hors AMM (coprescriptions IPP/AINS, dyspepsie fonctionnelle, symptômes ORL, prévention hémorragies digestives hautes en unités de soins intensifs, principalement). Une revue internationale regroupant 23 études l’a confirmé en 2017.
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