« Le fait que, lors du congrès, une demi-journée entière soit consacrée aux métiers de l’aide et de l’assistance à domicile montre bien l’intérêt croissant des acteurs de la santé au travail et des organisateurs de cet événement pour ce secteur », souligne Catherine Le Grand-Sébille, maîtresse de conférences en socio-anthropologie de la santé, à l’université Droit et santé de Lille 2.
Pendant longtemps, la médecine du travail s’est pourtant assez peu intéressée à ces personnes – aides à domicile, aides ménagères, techniciennes d’intervention sociale et familiale – quasi exclusivement des femmes, engagées auprès de personnes âgées ou handicapées vivant à domicile. « Il y a d’abord le fait que c’est compliqué d’entrer au domicile privé pour voir comment travaillent ces personnes. Il faut aussi reconnaître que, pendant longtemps, ces métiers ont fait l’objet d’une forte invisibilité sociale, souligne Catherine Le Grand-Sébille. Cette invisibilité existe toujours aujourd’hui et ne peut qu’être accentuée par un phénomène en développement et un peu préoccupant : la baisse importante du nombre de particuliers qui déclarent les heures de travail faites par ces personnes intervenant à leur domicile ».
Au départ, la question des risques professionnels s’est focalisée sur la souffrance des corps et la proportion relativement importante d’arrêts de travail pour des TMS. « Cette démarche reste indispensable, mais on doit aussi prêter attention à la fatigue psychique et à tout ce qui relève de la confrontation, parfois difficile, avec l’intime, la souillure, le vieillissement des corps, la perte d’autonomie et, dans certains cas, la fin de vie. Aujourd’hui, il y a une meilleure prise en compte de l’impact du travail émotionnel de ces personnels, celui qui impose de composer avec ses propres affects face à des situations difficiles », souligne Catherine Le Grand-Sébille.
Technicité versus relationnel
Au cours des dernières années, ces métiers ont connu un accroissement des qualifications, qui a entraîné l’exécution d’actes qui jusque-là étaient effectués par des soignant-e-s, aujourd’hui en pénurie. « Cette délégation d’actes tend à augmenter la dimension technique du travail au détriment de tâches d’accompagnement à forte valeur relationnelle. C’est une évolution importante à laquelle il convient d’être attentif. Ce n’est pas parce qu’on va réduire le temps relationnel dans ces métiers, que la charge émotionnelle ne sera plus présente. Et on sait que, plus on est dans la sécheresse émotionnelle, plus il y a de risques au travail pour soi-même et pour le bénéficiaire de l’intervention. Le fait de reconnaître non seulement les conditions matérielles du travail, mais aussi l’engagement affectif dans la relation et sa part importante dans l’activité réalisée auprès de personnes en situation de vulnérabilité, est une façon efficace de protéger ces personnels ainsi que les personnes qui reçoivent leurs services ».
D’après un entretien avec Catherine Le Grand-Sébille, maîtresse de conférences en socio-anthropologie de la santé, à l’université Droit et santé de Lille 2.
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