Incivisme. Enregistrements « pirates ». Photos diffusées sur les réseaux sociaux. Mauvaises appréciations sur les sites tels que Google… De plus en plus de médecins se plaignent que les patients utilisent leurs Smartphones à des fins négatives au cours des consultations.
Pourtant, ces appareils que tout le monde utilise, pourraient devenir des alliés pour améliorer la relation médecin-malade, en particulier en cas de pathologies chroniques.
Suivi des pathologies chroniques : des questionnaires pré-consultation
En octobre 2017, le New England Journal of Médicine (1) faisait paraître un article sur les « Résultats rapportés par les patients (patients reported outcomes) » qui permettraient de rendre « les patients et les médecins plus heureux ». Ce travail était fondé sur l’analyse de 1,5 million de questionnaires disponibles sur Smartphone ou tablettes et utilisés par 1 550 médecins dans des domaines variés : urologie, chirurgie orthopédique, psychiatrie et soins d’urgence.
Pour les auteurs, faire analyser le ressenti du patient par une série standardisée de questions permet au médecin de mieux appréhender le vécu du patient. L’analyse des questionnaires peut aussi contribuer à améliorer la prise de décision concertée en facilitant la discussion.
Mais est-ce au prix d’une perte de temps passé avec les patients comme le craignent beaucoup de médecins ? Pas du tout, selon l’équipe du Dr Neil Wagle (Boston, États-Unis). Lorsque les équipes ont pris l’habitude d’analyser les réponses des patients avant la consultation, elles trouvent même qu’ « elles ont plus de temps à consacrer à leur métier de médecin puisque le temps passé devant l’ordinateur est moindre ». Les auteurs ajoutent même que « les urgentistes en burn-out plébiscitent ce nouvel outil qui leur permet de mieux dialoguer avec leurs patients et de retrouver ce qui fait sens pour eux dans leur exercice ».
L’enregistreur et la caméra : si les deux parties sont d’accord
En août 2017, le JAMA s’interrogeait (2) : Les patients ont-ils le droit d’enregistrer des conversations avec leur médecin ? Aux États-Unis, dans certains états, les deux parties doivent donner leur accord pour qu’un enregistrement ait lieu. Mais ce n’est pas le cas partout. En Floride par exemple, un médecin peut se retrouver sur Facebook sans en avoir été prévenu auparavant.
Avec l’accord du médecin et du patient, un enregistrement peut être une façon de faire partager avec la famille et les autres acteurs de soins des informations essentielles sur la prise en charge.
Photographier des lésions, des comptes rendus : une image vaut 1 000 mots
La fonction photographie des Smartphones est encore sous-utilisée en consultation. Pourtant, elle est très utile dans de nombreuses circonstances.
C’est pour cette raison qu’un médecin peut inciter le patient à prendre en photo ses lésions dermatologiques, ses articulations œdématiées, ses plaies en cours de traitement, ses plâtres ou pansements, la couleur de ses urines, de ses selles, ses anciennes radiographies, ses listes de traitements, ses comptes rendus…
Télémédecine : une aide sans remplacer la consultation
À l’hôpital, le Smartphone est devenu – bien que cela ne soit pas reconnu – le principal outil de téléconsultation.
De nombreux laboratoires d’analyses médicales ou cabinets de radiologie proposent désormais à leurs patients un accès en ligne afin de partager leurs résultats avec leurs médecins.
Dans les zones rurales, la transmission d’images des patients aux médecins est l’une des options possibles pour pallier à la désertification médicale. Il n’est en effet parfois pas nécessaire de se déplacer immédiatement aux urgences ou au cabinet du médecin juste pour être rassuré devant l’apparition de certains symptômes.
De là à imaginer que la télémédecine pourrait remplacer la consultation, certaines assurances ont déjà franchi le pas.
Prendre des notes, mais les garder pour une utilisation privée
Le Smartphone peut devenir un outil interactif entre le médecin et le patient par sa fonction « Prise de notes » qui ne fait pas double emploi avec le compte rendu donné par le médecin.
Le patient peut noter sur son Smartphone la liste des questions qu’il souhaite poser à son médecin pendant la consultation. Il peut même lui faire parvenir à l’avance afin de profiter au maximum du temps passé avec le praticien pour exposer toutes ses sollicitations, et problèmes.
La prise de notes au cours de la consultation doit rester dans le domaine du privé, et elles ne doivent pas être utilisées pour mettre en défaut le médecin, en particulier sur les réseaux sociaux.
La fonction calendrier : toutes les dates avec précision
Avant tout le calendrier du Smartphone est une aide évidente au rappel des rendez-vous médicaux, voire des prises de médicaments ou des auto-examens (glycémie au doigt, auto-mesure tensionnelle).
Il peut aussi être utilisé pour noter avec précision l’heure de survenue de symptômes répétitifs.
Il est aussi possible que le patient se réfère à son calendrier pour détailler son suivi médical, ses rencontres avec d’autres professionnels de santé, la date des dernières règles… bref autant d’informations utiles à la consultation.
(1) Rosenstein L, Huckman R, Wagle N. Making Patients and Doctors Happier — The Potential of Patient-Reported OutcomesN Engl J Med 2017; 377:1309-1312 October 5, 2017DOI: 10.1056/NEJMp1707537
(2) Elwyn G ; Barr PJ, Castaldo M. Can Patients Make Recordings of Medical Encounters?What Does the Law Say?JAMA. 2017;318(6):513-514. doi:10.1001/jama.2017.7511
Article précédent
Quand l’Ordre impose des soins : le contrat thérapeutique catalan
Article suivant
Comment meurent les médecins ? Comme les autres…
#silentnomore : pour lutter contre les patients abusifs
Est-ce une « chance » d’être médecin lorsque la maladie survient ? Plutôt non…
Colonel Laurent Melchior Martinez : soigner, mais aussi utiliser son arme si nécessaire
La prévention n’est pas toujours le fort des médecins
Leslie Grichy (SOS SIHP) : « L’internat, un moment clé »
L’AFEM, 70 ans d’assistance : « En 2013, 237 enfants de médecins ont bénéficié de nos aides »
Confrères dangereux : le dernier tabou
Dr Donata Marra : « Les problèmes que vivent les étudiants sont similaires à ceux de leurs aînés médecins »
La consultation « Souffrance du soignant », une initiative du Groupe Pasteur Mutualité
Les mémoires d’un neurochirurgien mort d’un cancer, numéro 1 des ventes aux États-Unis
Mettre en contact médecins et spécialistes de la santé au travail : la souffrance professionnelle prise aux MOTS
Pr Béatrice Crickx, Dr François Dima : décryptage des tontines, système d’aide confraternelle aux médecins en difficulté
L'entretien thérapeutique avec un patient agressif
Des thérapies d’acceptation et d’engagement (ACT thérapie) contre le burn out
Copilotes de la mission Fides (AP-HP) : « Le médecin est la profession la plus incurique par définition »
Rencontre avec deux sherpas de l’aide aux confrères en détresse
Quand la pression institutionnelle entraîne des erreurs médicales
Un médecin insulté est un médecin moins performant
Relation mentor-disciple : « Toujours par deux ils vont, le maître et son apprenti »
Philippe Cabon : « Gérer son sommeil en garde comme un pilote d’avion en vol »
Quand travailler rend le médecin malade
3 500 prothèses de genoux et une de plus, la mienne
Retrouver l’humanité de la relation médecin-patient par le théâtre
Les femmes médecins sont-elles des médecins comme les autres ?
Éric Galam : rencontre avec un pionnier
Harcèlement sexuel des jeunes médecins : 30 % des femmes et 10 % des hommes
« Relation de soin et gestion du stress » et « Soigner les soignants » : deux nouveaux diplômes universitaires
Avec le Dr Yves Leopold (CARMF) : le point sur les dispositifs d’aide aux médecins en difficulté
Stage de deuxième année à SOS Amitié : un pas vers l'écoute empathique
Harcèlement sexuel des jeunes médecins : vos témoignages
Médecins hospitaliers : ce que vous toucherez en arrêt maladie
Êtes-vous plus fort que Docteur Internet ? La téléréalité s’en mêle
« Quand on y est préparé, parler de sa propre mort, ça libère »
Des consultations de prévention anonymes pour les médecins parisiens libéraux
Un médecin américain condamné à la prison à vie pour fautes médicales
Me Maïalen Contis : sauvegarde de justice et faillite concernent aussi les médecins libéraux
Les centres de soins pour soignants en difficulté plébiscités par les professionnels
Les médecins français vont globalement bien mais restent démunis quand ils sont malades
Arrêt maladie : quelles protections pour le médecin libéral ?
Quand un pilote de chasse devient formateur de robots chirurgicaux
Pr Sébastien Guillaume : "Pour que l’erreur médicale ne conduise plus au suicide"
Dr Marie-France Hirigoyen : « Il faudrait que les médecins acceptent leur vulnérabilité »
Vous nous avez tout dit, ils commentent vos réponses
Les médecins français aiment-ils la France ou ont-ils peur de la quitter ?
Pr Pascal Hammel : le médecin est un malade comme les autres, inquiet, faillible, parfois irrationnel
Inquiets pour l'avenir, 48 % des médecins américains veulent changer d’exercice
Suicide des internes : vers un plan de prévention aux États-Unis
Do No Harm : un projet documentaire pour lutter contre les suicides de médecins
Dr Jean-Marcel Mourgues (CNOM) : « Aujourd'hui, les jeunes médecins sont tout sauf insouciants »
Droit au titre de « Soignant de soignant » : l'Ordre reconnaît et protège l'aide aux confrères en souffrance
L’ergonomie pour limiter le burn out
Quand l’Ordre impose des soins : le contrat thérapeutique catalan
Comment faire du Smartphone un allié de la consultation ?
Comment meurent les médecins ? Comme les autres…
Dr Jean-Christophe Seznec : « Les médecins doivent intégrer qu'ils auront plusieurs vies professionnelles »
Mort en maternité : quelle aide pour les soignants qui y sont confrontés
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique