Le nombre et la consistance des selles
* Après la naissance, 99 % des nouveau-nés émettent le méconium dans les 48 premières heures. Un retard à l’émission du méconium est un signe pouvant orienter vers une constipation organique. Puis, chez un nouveau-né nourri au sein, les selles sont généralement d’une par tétée. Si elles sont moins fréquentes, cela témoigne le plus souvent d’une insuffisance de lait et il faut donc soutenir la maman dans son allaitement. Ensuite, le nombre de selles est très variable, avec parfois vers l’âge d’un ou deux mois un phénomène appelé « constipation au lait maternel ». Les selles, normales ou un peu dures, sont plus espacées, d’une tous les 3 jours, voire une par semaine ou moins. Si l’enfant est en pleine forme, ne se ballonne pas, ne vomit pas, grossit, il faut rassurer les parents sur le caractère physiologique de ce phénomène.
* Chez le nourrisson, une constipation est reconnue face à des selles grosses et dures ou dures à émettre. La tendance à la constipation ou constipation idiopathique chronique survient plus volontiers chez un enfant dont la mère est elle-même constipée. L’examen clinique complet confirme l’absence de signes de constipation organique :
- Pas d’anomalie anale (fistule, antéposition). Des selles d’aspect rubané, aplaties avec des stries émises après des efforts de poussées doivent faire évoquer une sténose anale.
- Pas d’anomalie an niveau du bas du dos : fossette, tâche, touffe de poils, qui doivent faire réaliser une échographie.
- Pas de sub-occlusion.
- Pas de débâcle à l’introduction d’un thermomètre ou suppositoire.
- Pas de retard de croissance.
Un avis spécialisé (gastropédiatre ou chirurgien pédiatre) est en revanche nécessaire en présence d’un de ces signes.
Cette tendance à la constipation doit être prise en charge de façon correcte car elle peut s’aggraver avec le temps, en particulier dès que l’enfant est capable de se retenir volontairement. Les constipations secondaires se déclenchent le plus souvent à certains âges clés (à 2 ans lors de l’acquisition de la propreté, à 3 ans lors de l’entrée en maternelle, à 6 ans au CP et à 11 ans au collège). Outre la prise en charge des réticences de l’enfant, il ne faut pas hésiter à utiliser des laxatifs pour éviter un cercle vicieux de rétentions fécales : lactulose avant l’âge de 6 mois, macrogol après 6 mois, le traitement devant être prolongé autant que la constipation a duré. Le « régime » alimentaire n’est pas efficace et il faut proscrire le recours à l’eau d’Hépar. Certains laits, enrichis en lactose, en protéines solubles et en lipides structurés peuvent être proposés en première intention devant une constipation bénigne du jeune nourrisson non allaité.
* Autre trouble qui inquiète les parents : le jeune nourrisson qui pousse pendant 10 minutes avant d’émettre une selle normale. Il s’agit d’une dyschésie liée à l’immaturité du système de défécation, qui est tout à fait bénigne et doit être respectée en l’absence des signes d’alerte cités ci-dessus.
* Le côlon irritable. Il est évoqué chez un nourrisson de 12-24 mois décrit comme ayant toujours la diarrhée : 3 à 4 selles par jour, qui débordent de la couche, avec des débris d’aliments, chez un enfant par ailleurs en pleine forme grossissant normalement. Il s’agit le plus souvent d’un déséquilibre alimentaire avec un excès de protéines et défaut de lipides (notamment s’il boit du lait de vache) ou excès de boissons sucrées. Il faut alors préconiser un lait de croissance, une quantité adaptée de viande et l’ajout de graisses dans les légumes (huile de colza, de noix, beurre, crème). L’évolution est, quoi qu’il en soit, favorable avec le temps.
* Un enfant présentant une diarrhée chronique avec mauvaise prise de poids doit en revanche être exploré : allergie au lait de vache chez le petit nourrisson, mucoviscidose, intolérance au gluten après l’introduction de celui-ci dans l’alimentation. Les autres causes sont beaucoup plus rares.
La couleur des selles
* Des selles noires surtout si elles sont liquides, nauséabondes et ont un aspect de goudron (méléna) constituent un signe d’alerte et imposent un bilan en urgence, car elles peuvent être le signe par exemple d’une hémorragie haute ou sur diverticule de Meckel. Il faut savoir les différencier des selles marron très foncé des nourrissons constipés ou des selles colorées par la prise de fer.
* Des selles blanches ou « mastic » chez un nouveau-né, après émission du méconium, peuvent témoigner d’une cholestase si elles sont associées à des urines foncées et orienter vers une atrésie des voies biliaires. Au cours de l’ictère physiologique, les selles sont normales et les urines claires. Chez un nourrisson plus grand, il faut savoir évoquer une migration lithiasique et ne pas hésiter à faire une échographie vésiculaire.
* Les nuances de vert, jaune ou marron ont peu d’importance ; les selles sont plus vertes et plus liquides chez un nourrisson recevant un hydrolysat, jaune d’or grumeleuses sous lait de mère.
* La présence de filets de sang de façon répétée chez un nourrisson par ailleurs en pleine forme fait évoquer une colite, réputée bénigne (hors contexte infectieux). L’endoscopie n’est pas systématique. On peut tenter un régime sans protéines du lait de vache (PLV) pendant 2 à 3 mois (ou supprimer les PLV chez la mère si elle allaite son enfant).
* La présence de sang associée à un méléna est une urgence.
* En cas de sang dans les selles dans un contexte de gastro-entérite, l’usage est de faire une coproculture afin de rechercher une éventuelle salmonellose, qui impose à partir de deux cas de l’entourage de faire une enquête étiologique et une déclaration à l’Agence régionale de santé. Le traitement antibiotique n’est pas systématique sauf chez le moins de 3 mois ou en cas de tableau infectieux sévère.
* La présence de glaires a peu de signification.
Au total
Un méléna est une urgence alors que la présence de filets de sang est plus banale. Un enfant émettant de grosses selles dures, sans signe clinique associé, doit être pris en charge afin d’éviter l’évolution vers une constipation chronique.
Dr Isabelle Hoppenot
D’après un entretien avec le Dr Olivier Mouterde, service d’hépato-gastro-entérologie pédiatrique, CHU, Rouen.
* Après la naissance, 99 % des nouveau-nés émettent le méconium dans les 48 premières heures. Un retard à l’émission du méconium est un signe pouvant orienter vers une constipation organique. Puis, chez un nouveau-né nourri au sein, les selles sont généralement d’une par tétée. Si elles sont moins fréquentes, cela témoigne le plus souvent d’une insuffisance de lait et il faut donc soutenir la maman dans son allaitement. Ensuite, le nombre de selles est très variable, avec parfois vers l’âge d’un ou deux mois un phénomène appelé « constipation au lait maternel ». Les selles, normales ou un peu dures, sont plus espacées, d’une tous les 3 jours, voire une par semaine ou moins. Si l’enfant est en pleine forme, ne se ballonne pas, ne vomit pas, grossit, il faut rassurer les parents sur le caractère physiologique de ce phénomène.
* Chez le nourrisson, une constipation est reconnue face à des selles grosses et dures ou dures à émettre. La tendance à la constipation ou constipation idiopathique chronique survient plus volontiers chez un enfant dont la mère est elle-même constipée. L’examen clinique complet confirme l’absence de signes de constipation organique :
- Pas d’anomalie anale (fistule, antéposition). Des selles d’aspect rubané, aplaties avec des stries émises après des efforts de poussées doivent faire évoquer une sténose anale.
- Pas d’anomalie an niveau du bas du dos : fossette, tâche, touffe de poils, qui doivent faire réaliser une échographie.
- Pas de sub-occlusion.
- Pas de débâcle à l’introduction d’un thermomètre ou suppositoire.
- Pas de retard de croissance.
Un avis spécialisé (gastropédiatre ou chirurgien pédiatre) est en revanche nécessaire en présence d’un de ces signes.
Cette tendance à la constipation doit être prise en charge de façon correcte car elle peut s’aggraver avec le temps, en particulier dès que l’enfant est capable de se retenir volontairement. Les constipations secondaires se déclenchent le plus souvent à certains âges clés (à 2 ans lors de l’acquisition de la propreté, à 3 ans lors de l’entrée en maternelle, à 6 ans au CP et à 11 ans au collège). Outre la prise en charge des réticences de l’enfant, il ne faut pas hésiter à utiliser des laxatifs pour éviter un cercle vicieux de rétentions fécales : lactulose avant l’âge de 6 mois, macrogol après 6 mois, le traitement devant être prolongé autant que la constipation a duré. Le « régime » alimentaire n’est pas efficace et il faut proscrire le recours à l’eau d’Hépar. Certains laits, enrichis en lactose, en protéines solubles et en lipides structurés peuvent être proposés en première intention devant une constipation bénigne du jeune nourrisson non allaité.
* Autre trouble qui inquiète les parents : le jeune nourrisson qui pousse pendant 10 minutes avant d’émettre une selle normale. Il s’agit d’une dyschésie liée à l’immaturité du système de défécation, qui est tout à fait bénigne et doit être respectée en l’absence des signes d’alerte cités ci-dessus.
* Le côlon irritable. Il est évoqué chez un nourrisson de 12-24 mois décrit comme ayant toujours la diarrhée : 3 à 4 selles par jour, qui débordent de la couche, avec des débris d’aliments, chez un enfant par ailleurs en pleine forme grossissant normalement. Il s’agit le plus souvent d’un déséquilibre alimentaire avec un excès de protéines et défaut de lipides (notamment s’il boit du lait de vache) ou excès de boissons sucrées. Il faut alors préconiser un lait de croissance, une quantité adaptée de viande et l’ajout de graisses dans les légumes (huile de colza, de noix, beurre, crème). L’évolution est, quoi qu’il en soit, favorable avec le temps.
* Un enfant présentant une diarrhée chronique avec mauvaise prise de poids doit en revanche être exploré : allergie au lait de vache chez le petit nourrisson, mucoviscidose, intolérance au gluten après l’introduction de celui-ci dans l’alimentation. Les autres causes sont beaucoup plus rares.
La couleur des selles
* Des selles noires surtout si elles sont liquides, nauséabondes et ont un aspect de goudron (méléna) constituent un signe d’alerte et imposent un bilan en urgence, car elles peuvent être le signe par exemple d’une hémorragie haute ou sur diverticule de Meckel. Il faut savoir les différencier des selles marron très foncé des nourrissons constipés ou des selles colorées par la prise de fer.
* Des selles blanches ou « mastic » chez un nouveau-né, après émission du méconium, peuvent témoigner d’une cholestase si elles sont associées à des urines foncées et orienter vers une atrésie des voies biliaires. Au cours de l’ictère physiologique, les selles sont normales et les urines claires. Chez un nourrisson plus grand, il faut savoir évoquer une migration lithiasique et ne pas hésiter à faire une échographie vésiculaire.
* Les nuances de vert, jaune ou marron ont peu d’importance ; les selles sont plus vertes et plus liquides chez un nourrisson recevant un hydrolysat, jaune d’or grumeleuses sous lait de mère.
* La présence de filets de sang de façon répétée chez un nourrisson par ailleurs en pleine forme fait évoquer une colite, réputée bénigne (hors contexte infectieux). L’endoscopie n’est pas systématique. On peut tenter un régime sans protéines du lait de vache (PLV) pendant 2 à 3 mois (ou supprimer les PLV chez la mère si elle allaite son enfant).
* La présence de sang associée à un méléna est une urgence.
* En cas de sang dans les selles dans un contexte de gastro-entérite, l’usage est de faire une coproculture afin de rechercher une éventuelle salmonellose, qui impose à partir de deux cas de l’entourage de faire une enquête étiologique et une déclaration à l’Agence régionale de santé. Le traitement antibiotique n’est pas systématique sauf chez le moins de 3 mois ou en cas de tableau infectieux sévère.
* La présence de glaires a peu de signification.
Au total
Un méléna est une urgence alors que la présence de filets de sang est plus banale. Un enfant émettant de grosses selles dures, sans signe clinique associé, doit être pris en charge afin d’éviter l’évolution vers une constipation chronique.
Dr Isabelle Hoppenot
D’après un entretien avec le Dr Olivier Mouterde, service d’hépato-gastro-entérologie pédiatrique, CHU, Rouen.
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