Tiers payant généralisé : ce qui met les médecins en rogne

Publié le 28/09/2013
tiers payant

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Plus de 90% des lecteurs du « Quotidien » (*) sont opposés à la généralisation du tiers payant à tous les patients. C'est le résultat d'un sondage en ligne réalisé entre le 23 et le 26 septembre et auquel vous avez été plus de 1500 à répondre.

Autant dire que cette mesure, programmée pour 2017, ne passe pas, mais alors pas du tout, auprès de nombreux médecins de terrain.

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Pas plus convaincue, la CSMF craint « les effets d'une nouvelle usine à gaz ». L'Union française pour une médecine libre en fait un casus belli. L'association, née du mouvement des « médecins ne sont pas de pigeons » lance un appel à la grève pour le 2 décembre prochain si la mesure n'est pas purement et simplement retirée.

La grogne atteint des sommets dans les forums du « Quotidien ». Près de 200 contributions ont été publiées en quelques jours par des médecins dont l'écrasante majorité dénonce la mise en place du tiers payant généralisé. Les praticiens favorables au dispositif se comptent sur les doigts d'une main.

« Ce n'est […] pas une nouveauté mais une proposition d'extension au secteur libéral dont on espère qu'il saura placer l'intérêt de l'usager au centre de ses préoccupations », justifie ce lecteur. Et encore... Ceux qui acceptent l'idée émettent de sérieuses réserves face à la crainte d'une nouvelle inflation des lourdeurs administratives. « Je suis docteur en médecine, pas comptable ni informaticien », écrit cet internaute qui demande « au trio Etat-caisses-mutuelles d'assurer la mise en place et le SAV de cette "usine à gaz" ! »

« Le Quotidien » a passé au crible les messages postés ces derniers jours afin de mieux cerner les critiques des mécontents. Morceaux choisis.

La déresponsabilisation des patients

« Le patient va ainsi surconsommer puisque c'est gratuit pour lui, il ne débourse rien et en plus il va encombrer les salles d'attente au détriment des "vrais patients" . Un médecin en colère. »

« […] J e peux dire que cette médecine qui devient "gratuite" déresponsabilise les patients et explique souvent le manque de respect, les insultes, les agressions que l'on subit à l'hôpital. […] J'entends souvent le fameux "c'est gratuit à l'hôpital". […] Le patient ne veut plus payer pour sa santé car c'est un dû. Cet élargissement du tiers payant va encore aggraver cette situation d'assistanat et de déresponsabilisation... »

« Comment peut-on cautionner le tiers payant généralisé ? C'est la porte ouverte aux excès des patients qui n'ont plus aucune notion de la valeur d'une consultation  […] »

« Un pas de plus vers la déresponsabilisation du patient, vers sa dépendance, vers son irresponsabilité  [...] »

« […] Une véritable usine à gaz en déresponsabilisant totalement les patients avec augmentation du nombre des actes (plus rien à payer de la part du patient) et en accentuant le déficit de la Sécurité sociale […] »

La fin de la médecine libérale

« Tiers payant = arme suprême pour finir de détruire la médecine libérale. Seuls les filous, patients ou médecins y trouveront leurs comptes... Le stade suivant sera la fonctionnarisation des médecins de ville. »

« Certainement que l'étape suivante sera la fin du paiement à l'acte. »

« […] Sans clairement le dire, tout est programmé pour orienter tranquillement l'ensemble des médecins vers le salariat. Recrutés par les mutuelles bien sûr ! Pieds et mains liés... »

« […] Cette rétribution par honoraire fait partie intégrante du métier de "docteur", elle définit le statut du médecin... Instaurer le tiers payant généralisé, c'est tuer la profession, au nom de quoi ou de qui ? D'une idéologie socialiste ? Et pourquoi ne pas instaurer le tiers payant chez les notaires ou les avocats... ! Et pourquoi pas chez le coiffeur aussi ! Ne nous laissons pas faire ou cela en sera fini de notre médecine "libérale" ... »

« Les diktats, ça commence à bien faire ! On veut détruire la médecine libérale et la liberté du soignant, comme si on était des incapables et des irresponsables. Tous les jours, on fait déjà le tiers payant ou des facilités de paiement pour les patients en difficulté […] »

« C'est la fin du médecin libéral et le début de la capitation. C'est tout bon pour l'État : la fonctionnarisation sans les charges. Les syndicats ne nous représentent plus. »

« Cette nouvelle mesurette porte un nouveau coup rude à la médecine générale. »

« Les médecins sont déjà suffisamment assujettis aux caisses ; sans compter le temps passé à réclamer son dû (ce n'est pas si rare) aux caisses et multiples mutuelles... »

« Encore un pas de plus vers l'étatisation de la médecine libérale ! Bien sûr, MST est parfaitement consciente de ce qu'elle fait en nous mettant pieds et poings liés aux mains des tutelles : CPAM et mutuelles réunies. »

Une usine à gaz, une nouvelle lourdeur administrative

« […] Cela oblige les praticiens à réaliser un véritable travail de comptabilité après 13 ou 14 heures de consultations. Pointer tous les versements de paiements chaque jour. Et bien sûr expédier chaque jour au moins 5 courriers de réclamations pour paiements erronés aux différentes caisses. […] »

« Demander aux pharmaciens ce que leur a apporté la généralisation du tiers payant ; un médecin seul au cabinet sans personnel ne pourra pas passer ses soirées à récupérer ses tiers payants des mutuelles. »

« […] Il faut une personne à temps plein. La CMU ne pose pas trop de problème, les mutuelles, c'est terrible. Il faut contrôler les remboursements […] »

« Absurde et compliqué à mettre en place. Il va falloir courir après la CPAM pour récupérer les erreurs de tiers payant. […] Pourquoi alourdir (encore plus) la charge administrative des médecins libéraux ? »

« […] Le médecin généraliste devra passer tout son temps à récupérer ses honoraires ! Et à faire de la comptabilité ! […] »
À quoi ressemblera la médecine libérale demain ?

Ce lecteur imagine le futur de la médecine libérale à travers un petit récit mettant en scène... « Brave Docteur ».

« Romance d‘hiver. ‘’Pschitt, pschitt’’ fait la neige sous les pas de Brave Docteur. Il fait nuit, il fait froid, il est crevé et il a pas le moral. Encore une dizaine de visites à se taper malgré l’heure tardive ! Il faut dire que depuis 2017, les patients ne paient plus rien, consultent tout le temps et pour le moindre bobo, et lui, il n'arrête plus... soixante, soixante-dix consultations par jour... et six jours sur sept. Au début, il a un peu râlé mais pas trop, car, en fin de mois, il lui restait assez d’argent pour cotiser à sa retraite complémentaire et espérer partir avant les soixante-quinze ans, âge légal de repos des toubibs du fait que leur caisse avait été forcée de compenser le déficit des régimes spéciaux.
Mais la Sécu, dans le rouge, avait vu de la même couleur et avait décidé de ne rembourser que les trente premières consults de la journée. Après ça, bernique, c’est pour la pomme de Brave Docteur ! Là, il avait franchement râlé et avait même fait grève. Le ministre avait convoqué les syndicats, leur avait parlé de « déontologie », de « nécessaire permanence des soins » et de plein d’autres trucs super-culpabilisants. Les syndicats étaient revenus vachement honteux et Brave Docteur avait repris sa sacoche. Plein d’autres médecins étaient partis alors pour faire plombiers ou électriciens, mais pas lui, il est un peu idiot… il aime son métier.
‘’Pschitt, pschitt’’ fait la neige sous les pas de Brave Docteur. Il fait nuit, il fait froid, il est crevé et il a pas le moral. »

(*) 1506 internautes participants au 26 septembre 2013.

> S. L.

Source : lequotidiendumedecin.fr
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