La suppression androgénique est la pierre angulaire du traitement du cancer prostatique métastatique. Chez les patients résistants à la castration et dont la maladie a progressé pendant ou après une chimiothérapie par docétaxel, de nouvelles classes de médicaments viennent enrichir l’arsenal thérapeutique : un inhibiteur de la biosynthèse des androgènes, l’acétate d’abiratérone, un anti-androgène de nouvelle génération, l’enzalutamide et un taxane, le cabazitaxel.
Comme l’a rappelé le Pr Pascal Rischmann, plusieurs questions se posent pour le praticien. Quand traiter (seuil de PSA, cinétique du PSA, symptômes, état général…) ? Avec quel produit, en fonction de l’âge, des symptômes, de la localisation, de l’agressivité de la tumeur… ? Quel suivi (tolérance, adaptation des doses, réponse au traitement, associations possibles) ? Quelles place et modalités pour le « rechallenging » qui consiste à retenter un traitement auquel le patient n’avait pas répondu antérieurement ?
Le cabazitaxel a démontré son efficacité sur la survie globale, la survie sans progression et la réponse objective et symptomatique sur les douleurs. L’étude TROPIC (1) n’a pas permis de définir des facteurs prédictifs de mauvaise réponse thérapeutique. La question des séquences thérapeutiques reste entière sur la seule base des données rétrospectives, et des essais prospectifs doivent être mis en place. Un travail présenté lors du dernier congrès de l’ASCO (American society of clinical oncology) a mis en évidence un taux de réponse biologique de 49 % lorsque le cabazitaxel était administré après l’acétate d’abiratérone. La dose optimale doit également être définie et un essai (PROSELICA) est en cours qui compare deux posologies, 20 et 25 mg/m2 toutes les 3 semaines.
« Les données de tolérance colligées dans la vraie vie, notamment grâce aux registres français, italien, américain et allemand, sont rassurantes », a indiqué le Pr Philippe Beuzeboc, en précisant que le taux de neutropénies fébriles est de 2 à 3 %, soit moindre que dans les essais cliniques.
Quelle stratégie adopter face à une résistance à la castration après une première ligne de chimiothérapie ? « Il importe avant tout de ne pas se précipiter, de continuer l’hormonothérapie et tenter de comprendre pourquoi le patient devient résistant à la castration et à la chimiothérapie », a souligné le Pr Thierry Lebret. Quand le temps de la résistance est arrivé, plusieurs options peuvent être envisagées : deuxième ligne d’hormonothérapie, chimiothérapie ou nouvel anti-androgène, sans oublier les traitements complémentaires (préservation osseuse, radiothérapie, bisphosphonates, dénosumab…) et les approches en cours de développement.
Cibler les androgènes produits par la tumeur
« Il est important de garder en tête que même en l’absence d’androgènes, les récepteurs hormonaux se multiplient et mutent et que d’autres voies se développent, a insisté le Pr Lebret. La tumeur sécrète elle-même ses androgènes (autosuffisance) ». L’acétate d’abiratérone, nouvel anti-androgène, cible les androgènes produits par les testicules, les surrénales et le tissu tumoral. Le traitement par corticoïdes systématiquement associé a pour but d’éviter l’hyperaldostéronisme et son cortège de complications (hypokaliémie, hypertension artérielle, œdème).
Ce traitement s’accompagne de bénéfices significatifs sur la survie globale (15,8 mois versus 11,2 mois), comme l’a montré une étude menée sur 1 195 patients (2). La progression biologique est réduite de 42 %. Les effets secondaires du traitement diffèrent de ceux observés avec la chimiothérapie, critère important pour le choix du traitement : effets minéralocorticoïdes, effets cardiaques et hépatiques, minimes et gérables, infections urinaires.
L’étude COU2 (3) en préchimiothérapie a pour sa part mis en évidence une amélioration de la qualité de vie, avec une réduction de la consommation d’opiacés. « On soigne mieux avec moins d’effets secondaires », a souligné le Pr Lebret.
Autre nouveau médicament, sans doute le moins connu, l’enzalutamide qui agit à 3 niveaux en bloquant la liaison entre la dihydrotestostérone (DHT) et le récepteur des androgènes, en inhibant la translocation nucléaire du récepteur activé et en inhibant l’association entre le récepteur activé et l’ADN.
Une étude (4) sur près de 2000 patients métastatiques a comparé l’enzalutamide versus placebo après une ou deux lignes de chimiothérapie. Le traitement permet une meilleure survie (diminution de 37 % des décès) et ce dans tous les sous-groupes de patients. Le taux de PSA à l’inclusion n’a pas d’impact sur la survie ou la progression, comme l’a montré un travail présenté lors du dernier congrès de l’AUA (American urological association). Les bénéfices sur la douleur sont rapides, en moins d’un mois, et la qualité de vie des patients, souvent âgés, est améliorée. Les effets secondaires ne sont pas plus fréquents que dans le groupe placebo. Seul le risque de convulsions (0,8 %) impose d’éviter ce traitement chez les patients ayant des antécédents de convulsions ou des métastases cérébrales.
« Le médicament est relativement facile à prescrire, il faut apprendre à gérer les effets tels que la fatigue ou les troubles digestifs, a indiqué le Pr Fred Saad. Les séquences thérapeutiques idéales restent à définir ».
D’après les communications des Prs Pascal Rischmann, Toulouse, Philippe Beuzeboc, Paris, Thierry Lebret, Suresnes et Fred Saad, Montréal.
(1)JS de Bono et al. The Lancet 2 010 ; 376 (9 747) : 1147-1154
(2) JS de Bono et al. New Engl J Med 2 011 ; 364 (21) : 1995-2005.
(3) CJ Ryan et al. The New Engl J Med 2 013 ; 368 (2) : 138-48
(4) HI Sher et al. N Engl J Med 2 012 ; 367 (13) : 1 187-97
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