Le gouvernement n’a pas réussi à rassurer les médecins sur la proposition de loi 296 de Bruno Le Roux, alors que les députés entament son examen ce mercredi 28 novembre. Ce texte, auquel s’oppose une bonne partie de la profession, permettrait aux mutuelles de mieux rembourser les patients qui passeraient par leurs réseaux de soins.
Hier encore, l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf) exhortait les élus à rejeter cette proposition de loi qui, selon eux, remet en cause le principe d’égalité d'accès aux soins.
Les amendements soutenus par le gouvernement, introduits en commission des affaires sociales de l'Assemblée, n’ont pas suffi à calmer les mécontents. La CSMF continue d'évoquer une proposition de loi « dangereuse et inacceptable en l’état ». De nombreux lecteurs du « Quotidien » ont aussi fait part de leurs inquiétudes sur le sujet au cours des dernières semaines. Sont-elles toutes légitimes ? Revue de détails.
Des soins low cost
Les médecins craignent que les mutuelles ne leur imposent des pratiques médicales dictées par des objectifs de rentabilité, ce dont elles se défendent. Certains suggèrent que cela pourrait avoir des répercussions sur le choix des prothèses, par exemple.
Les mutuelles fixeront leurs tarifs
L’Union française pour une médecine libre (les médecins pigeons de l’UFML) s’inquiète de l’impact de cette loi sur la liberté tarifaire des praticiens. Après l’encadrement des dépassements d’honoraires (avenant 8), les professionnels conventionnés auprès d’une mutuelle pourraient être contraints de moduler leurs tarifs au bon vouloir de cette dernière, ou de limiter le nombre d’actes. Ce qu’un lecteur du « Quotidien » traduit très prosaïquement : « Je suis retraitée ! OUF ! Entièrement contre le projet mutualiste du gouvernement. On sait le fric qu'ils se font sur le dos de leurs abonnés et alors ce sera aussi sur le dos des médecins. »
Les amendements introduits par la commission des affaires sociales sont censés apporter des garanties aux médecins sur les deux précédents points. L’article II précise ainsi que « les conventions souscrites […] ne peuvent comporter de stipulations relatives aux tarifs des actes et prestations médicaux ». Autrement dit, les praticiens garderaient toute latitude concernant leurs tarifs.
La fin du libre choix pour les patients
« Nous, médecins, soignerons des patients qui ne nous auront pas choisis » redoute l’UFML. Pour l’association, les patients se verront imposer par leurs mutuelles un praticien et un établissement de santé.
L’article 2 précise que « les conventions ne peuvent comprendre aucune stipulation portant atteinte au droit fondamental de chaque patient au libre choix du professionnel, de l’établissement ou du service de santé ». Rien ne devrait donc interdire aux patients de s’adresser à des praticiens hors des réseaux de mutuelle. Mais dans ce cas, ils renonceront à bénéficier de meilleurs remboursements, ce que nombre d’entre eux n’accepteront pas, ou ne pourront pas se permettre.
Une distorsion de concurrence
La CSMF redoute l’opacité des contrats proposés par les mutuelles aux médecins. Elle demande une négociation préalable à l’échelle nationale afin de « garantir la transparence des contrats et préserver les intérêts collectifs de la profession, tout en écartant les risques de distorsion de concurrence ». Cette crainte est partagée par certains lecteurs du « Quotidien », qui s’en prennent au passage à l’Ordre : « Il serait temps que l'Ordre prennent réellement position, sachant qu'aucune contrepartie financière ne doit entraver l'exercice médical, l'Ordre devrait interdire tout conventionnement de médecins à un réseau de mutuelles car en garantissant un meilleur remboursement, les mutuelles favorisent indirectement tel ou tel professionnel, de même la Sécurité sociale par le P4P et ses dérives futures devrait tout logiquement nous interdire toute signature de convention et retrouver un exercice libéral » écrit l’un d’eux.
« L’adhésion aux conventions des professionnels, établissements et services de santé s’effectue sur la base de critères objectifs, transparents et non discriminatoires. L’adhésion à la convention ne peut comporter de clause d’exclusivité. » Le législateur a cependant renoncé à imposer, comme le demande la CSMF, une négociation nationale entre les mutuelles et les praticiens.
Distorsion pour les patients aussi
L’ANEMF estime que le dispositif pourrait introduire une différence de traitement entre les patients : « Les garanties apportées aux assurés sur ce point risquent d’amener les praticiens à prendre en charge plus rapidement les patients bénéficiaires des réseaux de soin, aux détriments de ceux n’ayant pas les moyens d’y accéder. Ceci porterait atteinte à l’égalité d’accès aux soins », écrit l’association dans un communiqué.
Sur ce point, le texte discuté aujourd’hui à l’Assemblée n’apporte aucune garantie. Il se limite à interdire les contraintes concernant les tarifs des actes et prestations médicaux.
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