LE DÉPISTAGE systématique réduit la mortalité par cancer... mais pas la mortalité toute cause. Ce sont en substance les résultats de l’ERSPC (European Randomized Study of Screening for Prostate Cancer), une vaste étude européenne à laquelle ont participé deux équipes françaises (CHU de Lille et clinique de Montpellier), qui confirment avec deux ans de suivi supplémentaires par rapport à leur dernière publication l’intérêt du dépistage du cancer de la prostate. Il n’en fallait pas plus à l’Association Française d’Urologie (AFU) pour saisir l’opportunité de défendre ses positions un peu malmenées par la HAS. L’organisme d’expertise scientifique n’avait pas jugé opportun en 2010 de réévaluer l’intérêt d’un programme de dépistage systématique, au vu des premiers résultats de l’ERSPC.
Si les tout derniers chiffres de l’étude sont très favorables, ils ne sont pas non plus implacables et l’AFU accorde qu’ils « ne permettent pas aujourd’hui de se prononcer définitivement en faveur du dépistage de masse ». Chez des hommes européens âgés de 55 à 69 ans suivis près de onze ans, le dosage des PSA a ainsi permis de faire baisser la mortalité par cancer de 21 %, voire de 29 % après ajustement sur la compliance, c’est-à-dire pour les hommes ayant effectivement réalisé le dépistage. Il est calculé que pour éviter un décès par cancer de la prostate, 1 055 doivent être dépistés et 37 doivent être traités. Mais, curieusement, le dosage des PSA n’a eu aucun effet sur la mortalité toute cause.
Deux écueils à éviter.
Alors, au-delà du dépistage systématique ou individuel, l’AFU souhaite ainsi reformuler la problématique autour du dosage des PSA, estimant que « la question est de savoir comment identifier ces cancers de faible volume, peu agressifs, pour éviter soit de les diagnostiquer inutilement (le " surdiagnostic ") soit de les traiter abusivement (le " surtraitement ") ». À cet effet, la société savante souhaite ainsi préciser que, lorsque le PSA est ‹ 4 ng/ml, le risque de cancer est très faible et les biopsies ne sont pas indiquées, sauf anomalies au toucher rectal. Lorsque le PSA est› 4 ng/ml, un prélèvement prostatique peut être proposé. En cas de diagnostic d’un cancer de faible volume et peu agressif, l’AFU recommande de ne pas traiter et d’opter pour une « surveillance active », consistant en un dosage des PSA tous les six mois et la réalisation d’une nouvelle biopsie à un an. En cas d’augmentation du PSA, du volume ou du grade du cancer sur les biopsies, un traitement curatif est proposé.
L’AFU réaffirme néanmoins ses recommandations de 2010 en faveur d’un dépistage individuel, « à partir de 45 ans chez les hommes à haut risque de développer un cancer de la prostate : origine afro-antillaise ou antécédent familial (au moins 2 cas collatéraux ou de survenue avant 55 ans). Le dépistage n’est pas recommandé chez les sujets dont l’espérance de vie est estimée inférieure à 10 ans en raison d’un âge avancé ou de co-morbidités sévères ». L’AFU souligne qu’elle se démarque de la position Outre-Atlantique, où le seuil de PSA est fixé à 2,5 ng/ml et le recours à la surveillance active peu répandu, ce qui est à l’origine de nombreux cas de surdiagnostics et de surtraitements. Les urologues français espèrent améliorer encore les choses à l’avenir, notamment avec l’IRM prostatique qui permettrait de décider de l’opportunité de la première biopsie en cas de PSA› 4 ng/ml.
N Engl J Med 2012;336:981-90.
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