Trop souvent méconnues

Contraception : attention aux interactions médicamenteuses

Publié le 03/11/2014
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En 1996, GL Krauss avait montré que 40 % seuls des neurologues et obstétriciens étaient conscients des interactions entre contraceptifs hormonaux et traitements anti-épileptiques. En 2014, dans sa thèse, C. Legrand ajoutait que, s’agissant de l’efavirenz (ARV), rares étaient les médecins généralistes connaissant les risques de diminution de l’efficacité de ce traitement en cas de prise d’oestroprogestatifs (OP) [26 %] et de progestatifs (15 %). Enfin, en cas d’automédication, 14 % des jeunes femmes interrogées connaissent l’interaction OP et millepertuis.

Marge thérapeutique

En pratique, le problème se pose essentiellement pour les médicaments à marge thérapeutique étroite : digoxine, anti-épileptiques, AVK, anti-arythmiques… et contraceptifs. Sont concernés parmi eux : les OP mini- ou normodosés, quelle que soit leur voie d’administration, les progestatifs micro- ou normodosés, les implants, les DIU au lévonorgestrel, les progestatifs injectables et les contraceptifs d’urgence : lévonorgestrel ou ulipristal.

Ces interactions médicamenteuses présentent deux types de conséquences. Soit (c’est le cas le plus fréquent) il y a une altération pharmacodynamique –commune au sein d’une même classe pharmacologique sans modification de la concentration plasmatique– soit c’est la pharmacocinétique qui est affectée – pouvant être en relation avec le sujet ou avec le médicament. Elle n’est pas extrapolable au sein d’une même famille pharmacologique et s’accompagne d’une modification de la concentration plasmatique.

À noter : médicaments et contraceptifs peuvent agir soit en synergie, soit en antagonistes. Les interactions peuvent se produire à tous les stades : absorption, distribution, métabolisation de la molécule.

Dans la circulation générale, il peut y avoir une compétition concernant la fixation sur les protéines plasmatiques de transport. Cela entraînera une augmentation de la forme libre. Ce phénomène peut aussi se rencontrer en cas d’albuminurie sévère, mais c’est un effet à court terme diminuant ensuite par compensation.

Quatre enzymes

Par voie orale, les OP subissent le cycle entérohépatique et sont métabolisés par le foie. C’est là que se produisent de nombreuses interactions médicamenteuses. À ce stade, il peut y avoir compétition avec le système enzymatique et donc risque d’accumulation de l’une des deux molécules, responsable de surdosage.

Les enzymes intéressées font souvent partie de la famille des cytochromes, présents dans de nombreux tissus et intervenant dans le métabolisme de nombreuses substances exogènes et endogènes. Le cytochrome 450 est un système complexe d’isoenzymes. Trente ont été identifiés chez l’homme et quatre sont impliqués dans 90 % du métabolisme des médicaments. Le plus important est le CYP3A4 : 50 % des médicaments sont concernés. Rappelons que l’action peut être inductrice ou inhibitrice. Les inhibiteurs vont augmenter l’effet contraceptif et être responsables d’effets indésirables : vomissements, accidents veineux thromboemboliques (?). Parmi eux, les macrolides, les antiviraux, les antifongiques, parfois les anticancéreux tinib (inhibiteurs de tyroxine kinase : imatinib, etc.), le jus de pamplemousse. Quant aux inducteurs, ils sont liés à des échecs contraceptifs.

Il faut savoir interpréter ces interactions en fonction du contexte : exposition aiguë ou chronique. Il faut connaître ces possibilités de modifications des effets escomptés, pendant toute la durée des traitements mais également le mois suivant l’arrêt de l’inducteur.

Par exemple, le lamotrigine (antiépileptique) est inefficace s’il est associé à de l’éthynilestradiol (EE2). L’arrêt des OP va en revanche provoquer un surdosage. Il est conseillé de contrôler le taux plasmatique à l’instauration ou à l’arrêt d’un OP. Les progestatifs seuls n’ont pas cet inconvénient.

L’acide valproïque voit ses taux plasmatiques s’effondrer en présence d’EE2, il devient donc inefficace. Quant aux hormones thyroïdiennes, c’est leur fraction libre qui diminue. Il faudra donc penser à augmenter les doses de levothyroxine.

Il a été également rappelé l’action des anti-acides (IPP) au moment de l’absorption et du métabolisme des produits utilisés en contraception d’urgence, s’agissant surtout de l’ulipristal (Ellaone). Il faudra toujours penser à la diminution des effets contraceptifs ou de ceux escomptés pour les médicaments voire à une augmentation des effets indésirables.

En cas de doute, il faut consulter le site de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et le centre de pharmacovigilance le plus proche. Enfin pour les anti-VIH, les interactions peuvent être complexes. Un site doit être consulté : www.hiv-druginteractions.org il dispose aussi d’une application mobile.

D’après la communication Anticiper les interactions médicamenteuses lors d’une contraception hormonale. Haleh Bagheri (Toulouse)

Dr Lydia Marié-Scemama

Source : Le Quotidien du Médecin: 9362