L’addiction à l’alcool pendant la grossesse est un problème de santé publique. En France, 23 % des femmes boivent au moins 1 verre d’alcool par jour. Cet alcoolisme féminin est en nette augmentation ; il concernait 1 femme pour 12 hommes en 1960, 1 pour 3 en 2005. 2 à 5 % des femmes entre 25 et 34 ans consomment plus de 3 verres par jour soit 30 g/jour.
Les données épidémiologiques publiées en 2013 (1) confirment cette augmentation de la consommation avec l’âge, la parité, l’activité professionnelle, le niveau d’études élevées.
Par ailleurs, l’association tabac (›10 cigarettes/jour), alcool et cannabis est fréquente. Il s’agit alors souvent de grossesses mal acceptées.
Trois catégories d’exposition prénatale sont décrites : modérée (‹ 50 g/jour) ; chronique (›60 g/jour), la plus fréquente ; binge drinking (› 90 g/jour), pouvant induire une hypoglycémie. Les effets observés diffèrent selon l’alcool ingéré, la durée de la consommation (persistance des effets après la consommation), le moment de développement du fœtus et certains facteurs génétiques.
Première cause de retard mental acquis
Les conséquences fœtales de l’addiction à l’alcool sont importantes, décrites sous le nom de syndrome d’alcoolisme fœtal (SAF). Il concerne 1,5/1 000 naissances, soit 700 cas par an en France. C’est la première cause de retard mental acquis de l’enfant.
Le SAF est responsable d’un retard de croissance intra-utérin (RCIU) dans 80 % des cas, avec atteinte du système nerveux central, troubles du développement et du comportement, dysmorphie craniofaciale. Ce RCIU est précoce (20 semaines d’aménorrhée) et harmonieux. Il ne se rattrape pas en post-natal et est responsable d’un nanisme essentiel.
On retrouve en outre, des malformations congénitales dans 10 à 30 % des cas – cœur, appareil articulaire, reins, appareil génito-urinaire. S’y associent souvent un hirsutisme frontal et la présence de hernies.
L’addiction à l’alcool peut aussi être responsable d’atteintes fœtales partielles : conséquences cognitives et comportementales futures : QI bas, difficultés d’apprentissage, toxicomanie, délinquance, dépression, suicide.
L’association avec le tabac va aggraver le tableau. Celui-ci diminue la perfusion placentaire, par hypoxie et vasoconstriction. Le monoxyde de carbone traverse le placenta, se fixe sur l’hémoglobine fœtale et induit des malformations.
Prise en charge
Afin de lutter contre ce fléau, la prévention primaire est bien évidemment essentielle. Elle passe par la diffusion du message « tolérance zéro », grâce à des campagnes d’information du public et des professionnels. Le dépistage se fera dès le début de la grossesse. On pourra utiliser des questionnaires au moment des consultations de déclaration de grossesse, et de l’entretien du 4e mois. On cherchera des facteurs favorisants : dépression, etc. On pourra utiliser pour ce dépistage des questionnaires comme l’AUDIT, le FACE ou le T-ACE. Le dosage de marqueurs peut s’avérer utile, non pas les gamma-GT ou le VGM mais le CDT qui confirmera cette addiction.
La prévention secondaire – tout au long de la grossesse – s’appuiera toujours sur un dépistage efficace associant l’échographie fœtale et le dosage de l’acide folique et du fer. La prise en charge de la femme enceinte se fera sur volontariat, souvent grâce à des équipes pluridisciplinaires, des réseaux.
Enfin, en prévention tertiaire, l’enfant subira des tests divers à la naissance : test FAEE sur le meconium, dosage de l’ethylglucuronide dans le sang du cordon. Il devra être suivi à long terme (réseau CAMSP). L’équipe néonatale se doit de repérer ces enfants et de les suivre.
Il est nécessaire de diffuser des messages d’alerte et de rester vigilants en raison de la méconnaissance du seuil inférieur de tératogénicité ; même si, récemment, certaines études se veulent plus tolérantes. L’espoir viendra-t-il de la metadoxine et des antioxydants ?
D’après la communication retard de croissance in utero et alcool, Patricia Garcia-Méric (Marseille)
(1) Bulletin épidémiologique hebdomadaire, n°16-17-18/2013
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