L’instauration d’un médecin traitant pour les moins de 16 ans, largement combattue par les pédiatres, figure dans le projet de loi sur la santé présenté par Marisol Touraine le 15 octobre en conseil des ministres. Ce texte devrait être discuté début 2015.
Selon le ministère, cette mesure "vise à affirmer le rôle pivot du médecin traitant dans le suivi du parcours de soins des enfants de 0 à 16 ans, ce qui permettra par exemple de renforcer le dépistage précoce de l’obésité, des troubles de l’apprentissage ou, plus tard, des conduites addictives".
Ces arguments sont loin de convaincre le Pr Brigitte Chabrol. « On nous présente cette mesure comme la solution à l’ensemble des difficultés d’organisation du parcours de soins de l’enfant, indique-t-elle. Or, pour nous, ce n’est pas la meilleure façon d’aborder le problème. Ce qu’il faut renforcer, c’est la collaboration entre tous les acteurs de la santé de l’enfant en se fixant un certain nombre de priorités : le dépistage, le suivi développemental, la prise en charge des pathologies aiguës mais aussi celle, en ambulatoire, des enfants atteints de pathologies chroniques ou de handicaps ».
Le Pr Chabrol souligne que certes, les enfants peuvent être soignés par des généralistes, « mais il y a quand même des situations où l’expertise du pédiatre est indispensable. Le risque,si cette réforme est votée, c’est que beaucoup de généralistes soient désignés comme médecins traitants, le deuxième recours se fera au niveau hospitalier qu’il s’agisse des urgences ou des pédiatres hospitaliers. Cette situation regrettable existe déjà dans les faits, elle se retrouverait renforcée avec cette mesure. Il serait plus important de travailler sur des vrais parcours de soins en fonction de l’ensemble de besoin de santé des enfants ! Chaque professionnel pourrait y trouver sa place dans une collaboration claire et précise en fonction des situations ».
À plusieurs reprises au cours des derniers mois, les différentes instances de la spécialité, réunies au sein du Conseil national de pédiatrie (CNP), ont fait part de leur opposition à cette réforme. « Il faut rappeler deux points essentiels : la formation actuelle des internes de pédiatrie est de 4 ans contre 3 à 6 mois pour les internes de médecine générale ; la population française vieillit d’un trimestre par an, les soins pour les personnes âgées sont de plus en plus nombreux et lourds. De ce fait, nos confrères de médecine générale surchargés de travail n’arriveront pas à suivre tous les enfants en premier recours », soulignait le CNP.
Dans la foulée, il constatait qu’une telle mesure s’inscrirait contre l’orientation actuelle des politiques de santé européennes. « Les exemples en Europe ne manquent pas. En Allemagne, les 14 354 pédiatres ambulatoires font que la fréquentation des urgences pédiatriques hospitalières est des plus réduites. En Italie, tous les enfants de moins de 6 ans doivent être vus par un pédiatre, les plus de 6 ans soit par l’un des 8 000 pédiatres soit par un médecin généraliste. En Espagne, le livre blanc de la pédiatrie explique pourquoi les enfants jusqu’à l’âge de 14 ans doivent être pris en charge par des pédiatres ».
Le Pr Chabrol espère maintenant que les parlementaires sauront entendre les arguments des pédiatres. « Il serait souhaitable qu’ils comprennent que la priorité, aujourd’hui, est de favoriser une synergie harmonieuse entre pédiatres et généralistes en laissant le libre choix aux familles », indique la présidente de la SFP.
D’après un entretien avec le Pr Brigitte Chabrol, hôpital de la Timone, Marseille
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