Chef du service des urgences pédiatriques de l’hôpital Necker, le Pr Gérard Chéron le reconnait volontiers : les urgences pédiatriques d’aujourd’hui n’ont plus grand-chose à voir avec celles qu’il a pu connaitre il y a 20 ou 30 ans.
Le phénomène le plus marquant est l’augmentation de l’activité. « La France est un pays de forte natalité et l’offre de soins en médecine libérale est un peu au creux de la vague. Les pédiatres de ville continuent de jouer un rôle majeur dans le suivi des enfants et notamment des jeunes enfants. Mais au fil des ans, leur nombre a baissé et les mesures mises en œuvre pour assouplir le numérus clausus, n’ont pas encore eu leurs effets. Ce n’est qu’aux alentours de 2020 qu’on devrait voir arriver de nouveaux pédiatres en nombre plus important », indique le Pr Chéron.
Cette augmentation de l’activité des urgences n’est pas non plus sans lien avec l’évolution des attentes de la société vis-à-vis de la médecine. « De plus en plus de gens ont des exigences nouvelles, souligne le Pr Chéron. Ils veulent que la médecine leur fournisse des réponses immédiates.Nous voyons des parents arriver paniqués pour des pathologies qui auraient pu être prises en charge par la médecine de ville dans un délai de 12 ou 24 heures. Le plus souvent, ces parents se précipitent aux urgences sans même avoir essayé de joindre leur médecin traitant. Certains d’entre eux ne supportent pas de devoir attendre une heure ou deux avant de voir un médecin. Ou bien ils sont en quête d’une réponse que la médecine est bien incapable de leur donner dans le délai exigé. On voit par exemple des parents qui, souvent parce qu’ils sont obligés de travailler le lendemain, ont du mal à comprendre qu’une varicelle ne se soigne pas en une nuit ».
Le Pr Chéron refuse d’utiliser l’expression de « patients-consommateurs ». « En fait, le plus souvent, la démarche de ces parents est liée à une inquiétude, non justifiée médicalement mais très forte, et à laquelle nous devons répondre. Lorsque nous leur demandons si, enfants, ils sont venus aux urgences avec leurs parents, ils répondent par la négative. C’est un bon moyen de leur faire comprendre que leurs parents étaient tout aussi attentifs mais qu’ils avaient une forme de réflexion qui leur permettait de savoir que face à tel ou tel symptôme bénin, leur enfant pouvait attendre quelques heures avant de voir un médecin ».
Les urgences pédiatriques ont aussi connu une évolution qualitative, qui s’est traduite par une très importante professionnalisation. « Là encore, c’est un peu une exigence de la société qui réclame une médecine accessible mais aussi avec toujours plus d’excellence. Il y a 25 ans, les urgences tournaient avec des pédiatres ou d’autres spécialistes qui venaient y faire une garde une fois par mois. Aujourd’hui, elles sont animées par des médecins qui y font une carrière professionnelle », indique le Pr Chéron, en ajoutant que le profil des praticiens a un peu évolué. « On a d’abord et surtout des pédiatres qui, durant leur clinicat, font un stage aux urgences et y reviennent car ce mode d’exercice leur plait. On a aussi des internes de médecine générale qui passent à un moment aux urgences et qui, ensuite, y reviennent comme attaché ou contractuel. Dans un second temps, ces médecins vont faire un ou plusieurs DU complémentaires puis, au bout de 5 ans, passer la qualification ordinale et devenir des pédiatres à part entière. Cela sera aussi dans les années à venir une orientation des futurs DES de médecine d’urgence ».
Les urgences pédiatriques continuent à accueillir de manière très majoritaire des jeunes enfants. « Plus de 50% des patients ont moins de 3 ans et plus de 80% moins de 6 ans. Une autre évolution majeure est le fait que, désormais, notre activité est de plus en plus ambulatoire. Le taux d’hospitalisation aux urgences pédiatriques est ainsi passé de 25% à 10-12%. En fait, aujourd’hui, une large proportion des enfants que nous hospitalisons sont des enfants atteints de pathologies chroniques, de maladies génétiques ou de handicaps sévères. Ils sont suivis par des services de spécialité, mais à certaines heures de la journée ou de la soirée, le spécialiste traitant n’est pas joignable et en cas de problème, ces enfants arrivent aux urgences. Cela pose des problèmes nouveaux que nous sommes en train d’analyser. Nous devons développer les échanges avec nos collègues des services de spécialité pour renforcer nos compétences pour la prise en charge de ces enfants ».
D’après un entretien avec le Pr Gérard Chéron, hôpital Necker, Paris.
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