Faute d’élément séméiologique sensible et spécifique, tout nouveau-né symptomatique est considéré comme « suspect d’infection néonatale bactérienne précoce (INBP) jusqu’à preuve du contraire » [1]. Aujourd’hui en France, 30 à 50 % des nouveau-nés sont dans cette situation et une proportion importante d’entre eux fait l’objet d’un bilan biologique et parfois d’une antibiothérapie probabiliste dont les conséquences ne sont pas anodines. Il nous est donc apparu important d’évaluer la valeur diagnostique des critères de suspicion d’INBP, 10 ans après la publication des recommandations ANAES. Nous avons également testé à cette occasion la valeur diagnostique d’un dosage de procalcitonine au cordon, utilisé en routine dans notre centre de naissance. Nous avons colligé 2 178 observations de nouveau-nés suspects d’INBP soit 46,1 % des nouveau-nés durant la période de l’étude. Un tiers de ces enfants sont nés prématurément, la plupart étaient eutrophes et asymptomatiques (80 %). 26 enfants étaient effectivement infectés (1,2 %) dont 3 infections certaines et 23 infections probables. L’incidence globale de l’INBP est estimée ici à 2,1 ‰ naissances dont 0,24‰ d’infections certaines.
Nous avons observé que les critères cliniques d’adaptation à la vie extra-utérine étaient plus prédictifs d’infection néonatale que les critères anamnestiques. Ainsi, pour un nouveau-né symptomatique, le risque relatif d’être infecté est de 12,2 (IC95 % : 4,9-30,2 : p‹0,0001). Parmi les critères anamnestiques, seule la prématurité (‹ 35 semaines d’aménorrhée) augmente significativement le risque d’infection avec un risque relatif de 3,1 (IC95 % : 1,4-7,0). Les examens complémentaires sont les plus prédictifs, notamment le dosage de la procalcitonine (PCT) au cordon› 0,6ng/l qui présente un risque relatif à 291,6 (IC95 % : 70,7-1 214,0. p‹0,0001) et des probabilités post-test positives à 28 % (IC95 % : 23-34) et négative proche de 0 %. (IC95 % : 0-0). Les courbes ROC de la PCT et des dosages de C réactive protéine (CRP) montrent que le 1er dosage de CRP réalisé à la naissance est peu informatif . La PCT disponible 1 heure après la naissance est l’examen dont l’aire sous la courbe est la plus élevée : 0,96 (IC à 95 % 0,95 à 0,98), sa valeur diagnostique semble proche de celle du second dosage de CRP, 24 heures après la naissance. L’apport de l’analyse du liquide gastrique est ici modeste, du fait du grand nombre de discordances entre les résultats de l’examen direct et ceux de la culture : 72 % d’examens directs positifs identifient des cocci à gram positif alors que seulement 31 % des cultures identifient un Streptocoque B et moins de 10 % un entérocoque.
Nouvel algorithme
Nous proposons d’évaluer un nouvel algorithme basé à la fois sur le caractère symptomatique du nouveau-né, sur la valeur de la PCT au cordon ainsi que sur la surveillance postnatale des 48 premières heures (figure 1). L’objectif de cette approche est de limiter les examens complémentaires et les indications d’antibiothérapie néonatale. Sa validation nécessite d’inclure un grand nombre de nouveau-nés, et suppose de fédérer les pédiatres autour de cette problématique afin qu’ils puissent collaborer à la validation de nouveaux outils diagnostiques et thérapeutiques. La révision des recommandations s’avère indispensable, un groupe multidisciplinaire y travaille activement, sous l’égide de la Société de Néonatalogie Française, du Groupe de Pathologie Infectieuse pédiatrique, de la Société Française de Microbiologie, de la Société Française de Médecine Périnatale et de la société Française de Pédiatrie.
[1] : Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation En Santé. Diagnostic et traitement curatif de l’infection bactérienne précoce du nouveau-né. Recommandations pour la pratique clinique. Paris : ANAES 2 002
Figure 1 : Proposition d’algorithme diagnostique et thérapeutique incluant la PCT au cordon
Article précédent
Il est temps de faire évoluer nos pratiques
Article suivant
Des signes le plus souvent atypiques
Nécessaire pédiatrie
Des mesures pour augmenter le nombre de produits avec indication pédiatrique
Contre le médecin traitant pour les moins de 16 ans
Les internes le recommandent
La supplémentation même chez les grands !
Les recommandations actualisées
Certains signes cliniques sont très évocateurs
Des questions éthiques complexes
La piste de la biodiversité
Des antibiothérapies allégées
Le respect des principes
La fenêtre des « 1 000 premiers jours de la vie »
Pratiques et place des soins palliatifs
Plus fréquentées et plus professionnalisées
Des conséquences pour les pédiatres libéraux et hospitaliers
Il est temps de faire évoluer nos pratiques
Une révision des recommandations est nécessaire
Des signes le plus souvent atypiques
Les recommandations 2 014
Les recherches sur les thérapies protéiques se poursuivent
De nouvelles voies thérapeutiques
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024