L’augmentation de prévalence de l’asthme et des allergies dans les pays industrialisés « a clairement été démontrée par l’étude International Study of Asthma and Allergies in Childhood (ISAAC) menée dans 155 centres et 56 pays chez les enfants entre 6-7 ans et 13-14 ans », souligne la Pr Jocelyne Just. Cette augmentation est trop rapide pour être expliquée en premier par la génétique. D’où l’idée actuelle que le mode de vie occidental favorise l’émergence de ces maladies. Par quel mécanisme ? Moins de facteurs protecteurs, plus de facteurs potentialisateurs ?
Parmi les facteurs potentialisateurs, la pollution est régulièrement mise en avant. « Cette pollution exacerbe les asthmes et allergies. Elle peut aussi les créer de novo. Cela a été démontré expérimentalement avec les particules diesel. D’autre part, les études prospectives de cohorte d’enfants retrouvent plus d’asthme et d’allergie chez les enfants soumis dans la petite enfance (ou in utero) à la pollution extérieure (ou intérieure, la plus importante étant le tabac). Les polluants peuvent provoquer une inflammation voire modifier l’expression de certains gènes (épigénétique) », explique la Pr Just.
La théorie hygiéniste postule que l’excès d’hygiène et de prévention dans la petite enfance diminue l’éducation immunitaire et donc les facteurs protecteurs.Le regain d’intérêt qu’elle connaît actuellement tient à la découverte du rôle majeur des bactéries saprophytes du microbiome, présentes sur toutes les surfaces du corps en contact avec l’environnement, dans la stimulation et l’éducation immunitaire des nouveau-nés. « L’excès d’hygiène serait délétère par la perte ou la limitation des contacts précoces avec les bactéries saprophytes plus que par le biais de moindres contacts avec les bactéries pathogènes, liés aux vaccinations et à l’antibiothérapie. Ces dernières ont fait reculer de façon majeure la mortalité infantile », rappelle le Pr Just.
« L’hypothèse hygiéniste actuelle est donc celle de la relation entre le mode de vie occidental, les modifications du microbiome cutané, digestif, intestinal, respiratoire et la survenue de phénomènes inflammatoires conduisant à l’allergie, l’auto-immunité, le diabète ou l’obésité », indique le Pr Just. Les enfants nés par césarienne sont plus enclins aux allergies. L’absence de contact avec le microbiome vaginal pourrait être une explication. « Les naissances par voie basse pourraient permettre au microbiome vaginal de s’implanter sur la peau et les muqueuses très perméables du nouveau-né. Ce contact initial avec des bactéries saprophytes non pathogènes semble important ». Plus encore, l’importance d’être confronté très tôt à la biodiversité fait son chemin. La diversité des plantations autour de la maison influence le microbiome et pourrait protéger des allergies. La diversification alimentaire précoce (entre 4 et 6 mois) éduque le système immunitaire et protège des allergies; les exclusions (arachide, œufs) autrefois préconisées chez les enfants à risque de développer une allergie, les favorisent. Enfin, faut-il inciter les parents à avoir des animaux qui émettent des bactéries saprophytes ou à mettre leur enfant à la crèche -grande pourvoyeuse de bronchiolites, de gastroentérites…- ? Pour le Pr Just « La réponse n’est pas simple, elle doit être personnalisée à chaque famille car les études sont contradictoires sur ces sujets ».
D’après un entretien avec le Pr Jocelyne Just, hôpital Trousseau
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